Pour son premier film, Andrea Bussmann a choisi de tirer parti du tournage d’une fiction. Mais, pas d’équivoque, il ne s’agit nullement d’un making of ici, plutôt d’une galerie de portraits de vieillards, résidents de Mexico réunis pour l’occasion dans un bar délabré de la capitale. Aucun d’eux n’est acteur, ni n’en revendique les compétences, ils ont été repérés dans les rues du centre ville où ils promenaient leur misère, leur alcoolisme ou leur solitude, et invités à gagner quelques sous pour attendre patiemment que la caméra les saisisse en figurants. Profitant des moments où l’équipe technique de l’autre film installe un plan, ces « extras », assis sur un siège qu’ils ne doivent pas quitter, se confient à la réalisatrice et en quelques phrases, c’est leur existence à la fois banale et pathétique qu’ils déroulent, attrapant alors pour une fois une lumière qui leur est toujours refusée. C’est cette lumière, et un poème de William Blake qui l’évoque, qui clôt le film, puisque la très belle séquence finale fait défiler ces acteurs éphémères et leur offre un texte sur lequel ils s’appliquent et trébuchent, mais qui sonne écrit pour eux.
Jean-Pierre Rehm