Pierre Creton s’est toujours montré très méticuleux. Sa pratique, sans doute, avant que de cinéaste ou en même temps, d’apiculteur ou de contrôleur laitier, l’aura ainsi fait monter en graine. C’est un recueil de quatre films qu’il nous rapporte cette fois. Ou plutôt un film en forme de recueil. Car si chaque partie existe de manière indépendante (certaines sont même le fruit de commandes), c’est bien la justesse d’arrangement d’un bouquet qui les relie. Quel fil alors ? Végétal, justement. Mais avant d’en dire davantage, importe de préciser qu’il s’agit de portraits. Défileront dans l’ordre : Georges-Arthur Goldschmidt, immense traducteur de l’allemand et écrivain à son tour ; l’évocation de l’architecte et urbaniste de la célèbre reconstruction du Havre en 1945, Auguste Perret ; Aline Cézanne, petite fille de Paul, et dont les parents côtoient Jean Renoir, à parler du temps des cerises dans l’hospice où elle réside ; Deng Guo Yuan, enfin, un ami, peintre chinois qui laisse grimper du pinceau des feuilles et des branchages. Matière première de chacune de ces rencontres, sauf la dernière, qui le cache peut-être derrière son mutisme, l’Histoire, le récit, large ou primesautier, épique ou jouissif, d’un passé pas si lointain.
Mais telle insistance du témoignage ne suffit pas, même dramatique, même joyeux, il y faut un autre effet de liane. Et c’est le paysage, ou plus modestement l’herbe, quelques plantes, pour signaler en pointillé que quelque chose pousse malgré tout : la mémoire.
Jean-Pierre Rehm