Un néon à la lumière vacillante crépite. Une définition laconique du mot folie s’inscrit sur un écran électronique. La caméra s’avance dans un espace délabré et désert, hôpital ou quelque autre enceinte dévolue à la science. En quelques plans, Benno Trautmann impose un programme où la précision de la description ne cède en rien à la métaphore, où les concepts dialoguent avec la chair des images et des sons. D’un lieu à l’autre, d’une définition à l’autre, empruntant à l’arbitraire et à la rigueur de l’organisation d’un dictionnaire, quelque fou indiqué par le titre (l’Homo Sapiens, pas moins) nous entraîne dans la traversée d’un enfer parsemé de destructions froides et d’horreurs machiniques, et sur lequel plane un sentiment de mort latente.
Avec la dextérité inquiétante du chirurgien, le film découpe puis ajointe en blocs massifs lieux, événements et objets, emblématiques ou tragiquement banals, faisant par exemple entrer en résonance les récents bombardements en Irak, la beauté mortifère de la taxidermie animale, l’exploitation industrielle et minière. Nature meurtrie (comme cette horrible machine à couper et à élaguer les arbres) et activités destructrices se succèdent, selon une loi que l’on soupçonne déréglée. Dans cette avancée inexorable vers une apocalypse prévisible, c’est le dictionnaire et son balayage exhaustif, systématique et erratique qui donne le sens : affolé.
Nicolas Féodoroff