Aubervilliers, le centre Mosaïque, bien nommé. Cette « structure d’accueil » est ouverte aux jeunes de 12 à 17 ans, ils s’y rendent pour tchatcher, prendre le temps d’un somme, d’un goûter ou d’une rencontre. “Check Check Poto” ? Un nom de code adolescent, alliant le geste à la parole, contrat tacite de respect et de distance, celui, précisément, de ce premier film de Julia Varga (dont a circulé déjà, ici et là, une version brève). Enregistrer sans se dissimuler, tel est l’objectif : capter les histoires singulières d’une adolescence, ici et maintenant.
Un espace scénique, que la caméra ne quittera pas, et où résonnent hors champ les bruits de la ville, échos d’un dehors qu’on saisit âpre. Rien de spectaculaire, zéro psychologie, nulle typologie, mais le temps offert aux paroles et aux situations pour déplier sous les frimousses tout leur fripé. Travail patient que restitue le choix de longues séquences pour faire place à l’écoute, capter un geste, entre la volonté de jouer au grand et les marques encore de la petite enfance. Des portraits se dessinent, des vies se devinent, mais, déterminant ici, avec la fragilité de cet âge de tous les désirs, de toutes les contraintes, dans ce moment singulier où s’inscrivent ces corps encore incertains. On retrouve certes des histoires de garçons et de filles, d’école, de bagarres, de clans, mais dans tout cela se décrit en creux le rapport à soi, à son image, à la loi, à la transgression, au langage.
Nicolas Féodoroff