Tout n’est pas toujours très clair. Mais il arrive que, même dans la nuit noire, on finisse par voir, ou toucher, quelque chose. Encore faut-il traverser l’obscurité. C’est le chemin proposé. Quitte à ne pas y parvenir ensemble. Des feux d’une projection cannoise des frères Larrieu (Peindre ou faire l’amour, on aura vite saisi que ce titre sous-titre notre fable) aux représentations théâtrales plus austères d’un Pavese monté par les Straub en Italie, c’est une route. C’est celle, cheminement modeste mais déclaré, du travail. D’un hôtel, l’autre. D’un cadrage, l’autre. C’est celle, aussi, du goût, de l’art et de sa diversité. Mais il y a d’autres routes encore. Celle d’un amour qui ne répond plus qu’automatiquement sur répondeur. Celle du paysage qui se transforme en île, par la magie des hublots du ferry floutés par la pluie. Travelling, mon beau souci. Rouler d’un point à un autre, sans cesser de se souvenir du chemin parcouru. Faire marche arrière, un peu, un peu, pour partir de l’avant, c’est le pari de mélanger l’existence à ses figurations, c’est le défi d’emmêler les pinceaux dans le filet des émotions sans couleur.
Jean-Pierre Rehm
Entretien avec Arnaud Dommerc à propos de Nous n’irons pas à Buti, paru dans le quotidien du FIDMarseille du 7 juillet 2008