Un des premiers films de Pierre Creton s’intitulait La vie après la mort. On l’y voyait, lui, dans la maison d’un ami bien plus âgé, Jean Lambert, à ses côtés. On les voyait lire ensemble à haute voix des livres différents. On les voyait ravis d’écouter des vinyles. On les voyait attendre quelque chose, la mort de Jean Lambert. 2008, sept ans après la disparition de son ami, Pierre Creton vit toujours dans cette maison. Il reprend des images d’alors pour les raccommoder, littéralement, machine à coudre empruntée à Lautréamont, avec celles d’aujourd’hui. Travail de deuil ? Peut-être, mais accueil surtout d’un fabuleux au jour le jour guidé par la lecture du Métier de Vivre de Pavese : « Un certain type de vie quotidienne (heures fixes, mêmes personnes, formes et lieux de piété) amenait des pensées surnaturelles. » Une araignée fait un sort à un insecte, le cinéaste s’improvise coiffeur, on entend la radio diffuser une méditation sur le cerveau et les perceptions, on assiste à d’étranges surimpressions (inédites dans le corpus de Creton !), nous est offert un numéro de duettiste avec Vincent Barré, etc. Si ses précédents Secteur 545 et Paysage imposé (FID 2004 et 2006) nous avaient familiarisés avec une ruralité sans exotisme, mais élargie aux dimensions du grand romantisme, voilà cette fois l’entrée en matière d’un autre pan de la tradition romantique : l’humour noir, le trouble, le fantastique. L’Heure du berger, premier film de genre, donc, dans la filmographie de Pierre Creton.
Jean-Pierre Rehm
Entretien avec Pierre CretonEntretien avec Pierre Creton à propos de L’Heure du Berger, paru dans le quotidien du FIDMarseille du 4 juillet 2008