Henri-François Imbert, c’est connu, a la passion de la mémoire. Une fois encore, il entreprend un voyage en arrière. Un hasard lui en donne l’occasion, la rencontre fortuite, dans un café, avec un des personnages du beau film mélancolique de Jean Eustache, Mes Petites Amoureuses. Adolescent alors, aujourd’hui homme mûr ayant « vécu », comme on dit étrangement, cet acteur d’un rôle raconte l’enchantement rétrospectif de sa brève prestation et permet de retrouver quelques complices du tournage de 1974. Si la piste Eustache sert à l’évidence de fil rouge, ce n’est que pour mieux dépasser les seules anecdotes de plateau. Car ici, tout comme chez Eustache, l’importance va à l’enfance, ce pays dont on vient, qu’on a quitté sans espoir de retour, et dont on ne parle plus la langue. Écart fatal, que le film s’attache à tenir entrebâillé. Et la douleur qui en sourd, égrainée pudiquement le long des séquences, vient de ce que ce pays de l’enfance n’est jamais derrière, mais en nous, à la fois zone si familière et terra incognita aux frontières closes. C’est à cette exploration, patiente et échouée d’avance, que nous entraîne le film pour y saisir à la fin, dans ses rets, d’autres jeunesses.
Jean-Pierre Rehm