Argentine, 2007. Quel reste conserver des années de plomb de la dictature qui a sévi de 1976 à 1983, avec ses dizaines de milliers de victimes ? Comment continuer à vivre l’absence des milliers des disparus, kidnappés, séquestrés, torturés par les sbires de la junte et tués sans laisser de traces ? On connaît la résistance obstinée des tristement célèbres ’Mères de la place de Mai’, qui se réunissent toutes les semaines depuis 1977 sur la place située face au palais présidentiel pour exiger réparation ou, à tout le moins, quelque information sur le sort réservé à leurs enfants ou petits-enfants disparus.
Mostrame rappelle cette plaie toujours ouverte faute d’éléments sur ce qui est advenu des victimes. Mais le film choisit aussi de s’aventurer hors de cette ignorance. Il parcourt les méandres de la mémoire de ces années sombres, en croisant et en tissant une succession de prises de paroles, de témoignages – qui en colère, qui dans la souffrance –, d’épouses, d’enfants de disparus, mais aussi d’anciens détenus torturés. Ainsi que nous y convie le titre du film en forme d’adresse – mostrame : montre moi –, il s’agit de vaincre la cécité contrainte, de pointer, de faire apparaître. Et ce, avec un courage tout particulier : en nous amenant peu à peu à nous interroger sur le rôle possible de l’art dans cette mémoire traumatique et son usage dans le travail du deuil.
Nicolas Féodoroff