Frappé par l’aventure de Natacha Kampusch, petite fille séquestrée durant huit années, le film tente d’imaginer, de rendre la pensée et les affects de son ravisseur avant son suicide. Une femme dit, lit, interprète un texte qu’il aurait pu écrire. Elle est parfois interrompue par la voix off du réalisateur.
Les familiers du cinéma de Marcel Hanoun reconnaîtront ici le sens de l’économie qui caractérise son entreprise au long cours. Réduit, cette fois plus encore, à l’essentiel, par évidente fidélité à l’expérience carcérale de son motif, ce film ne se contente pas pourtant d’explorer la matière du drame qui a nourri récemment la chronique. Plutôt que de multiplier les conjectures, nécessairement scabreuses, et de s’égarer en terrain psychologique, il s’agit au contraire de s’évader. Dans quelle direction ? Celle d’un feuilleté de significations, du côté, en un mot, de l’allégorie. C’est alors l’image elle-même, sa construction, qui se trouve interrogée ici en premier lieu. Le jeu de l’actrice, le rôle du réalisateur, les bords du cadre, la violence de la lumière, le travail des reprises, la place du miroir, etc. : voilà le moteur du Ravissement, le coeur de son affaire. Et c’est à partir d’une telle fabrication de l’image, exposée dans sa nudité, que l’on peut entendre le film parler d’autres rapports : d’amour, de couple, plus largement de lien social.
Jean-Pierre Rehm