Les liens du cinéma avec l’univers du fantasme, le voyeurisme et l’érotisme sont bien connus. Du désir au plaisir (des protagonistes), de la pulsion scopique à la gêne (des spectateurs), le film de Xavier Brillat, en joue, nous mettant dans une situation inconfortable. Quelque part au Japon, un homme, Haruki Yukimura et une femme, Nana- Chan, s’adonnent au bondage. Mais la lenteur des gestes, la douceur des voix, le parti pris d’enchaîner les scènes par des fondus au noir, la présence ténue de bruissements de la nature, tout nous invite à sortir de l’évidence voyeuriste. D’une situation qui ne pourrait être qu’érotique, le film nous amène peu à peu vers la performance, la cérémonie ritualisée : le corps de la femme, corps attaché, corps soumis, corps contraint, lieu d’inscription du nouage patient et méticuleux de l’homme, nous offre une succession de poses, sinon d’étapes. Pour qui ? Pour elle, pour lui, pour nous ? A l’ambiguité de la situation filmée répond celle de l’homme et de la femme : elle, tout uniquement actrice (elle devient l’objet d’un spectacle) et modèle (elle abandonne son corps à la pose), s’offre à la jouisance de l’autre comme à la sienne propre ; lui par la médiation des cordes et des liens, évolue entre regard et toucher, entre précision du geste et jouissance de l’image. Tous deux, comme la distance adoptée par Xavier Brillat, renvoient à notre propre regard, dans un mouvement paradoxal d’approriation et de distance, dans ce qui pourrait être une double métaphore, du lien amoureux et du lien du regardeur avec l’objet de ses fantasmes.
Nicolas Féodoroff