Pour éponger ses dettes, la ville de Dresde a vendu, d’un coup, à une société d’investissement financier américaine la totalité de ses logements sociaux. A Prohlis, une banlieue composée pour l’essentiel de ce type de logement, un enquêteur énigmatique, silencieux mais muni d’un appareil d’enregistrement, se promène et capte des sons. On dirait, c’est ce que les images transmettent, qu’il tente de déchiffrer une parole oraculaire. Rien n’est épargné à l’auscultation. Cela va des rumeurs des cours aux bruits des tuyaux ou des couloirs des bâtiments eux-mêmes. Plusieurs fils se dévident en simultané, qui enroulent autant une réflexion sur le son, la polyphonie, l’écoute que sur la politique sociale contemporaine – et son (notre) avenir. Prenant le parti pris de la modestie, ne cachant pas que cela peut s’apparenter à un jeu perdu d’avance, et avec lui égarée aussi la possibilité de la transparence (une main, aussi régulièrement que vainement, tente de placer une pièce dans un verre lui-même inclus au centre d’un bocal empli d’eau), le film avance à pas décidé. Au milieu des choses, plutôt qu’au-dessus, écho sans voix propre plutôt que propriétaire, il s’agit ici de déjouer les pulsions autoritairement prophétiques.
Jean-Pierre Rehm