• Albert Serra en libertés

LIBERTÉ

PERSONALIEN

Albert Serra

Albert Serra
Où une forêt, la nuit, quelque part en Europe, dans un XVIIIe siècle de fin des temps, est le théâtre de rencontres sexuelles expérimentales entre libertins d’une noblesse anonyme. Dans la clairière, les costumes d’époque servent à découvrir les corps, malmenés, déchaînés, débandés, pris dans la série des protocoles d’un plaisir permanent et impossible. Entre terrain vague de cruising et pur décor de cinéma, la forêt réelle qui leur sert de cadre est filmée comme artificielle, parce que tout est « contre- nature ». Or les partouzes de Liberté forment avant tout un chant du cygne, qui est doublement historique : dans le XVIIIe siècle où il se déroule, il met en scène, avec une passion froide, une certaine « décadence » pré-révolutionnaire ; dans le XXIe siècle où il se fabrique, il semble annoncer quelque chose comme la mort de la sexualité, ou la fin de l’hétérosexualité – mais en la poussant à son comble, en la démontrant par l’absurde. Or Liberté devient fascinant dès lors qu’il nous fait bien comprendre que son sujet n’est pas le sexe, cette chose qu’au fond il ne fait pas, mais le pouvoir, qui l’intéresse et qu’il décrit avec la plus folle précision, en même temps qu’il l’exerce, sans fard, sur ses figures et ses spectateurs. C’est là qu’il est trash, qu’il est beau. Le film le plus politique de son auteur, qui n’a jamais parlé d’autre chose. (L.C.)

  • Albert Serra en libertés

Fiche technique

France, Portugal, Espagne / 2019 / 132’