• Grand Prix d'Honneur

CEMETERY OF SPLENDOUR

Apichatpong Weerasethakul

Apichatpong Weerasethakul
Il y a bien un évènement au coeur de Cemetery of Splendour, le débordement des couleurs et avec elles, la léthargie qui semble s’étendre aux dimensions de la ville ou peut-être du pays. Ce n’est pourtant pas le signal d’une scission, plutôt d’un approfondissement littéral. La mise en scène creuse l’espace dans tous les sens. Après une surimpression renversante qui fusionne deux perspectives, l’une verticale sur plusieurs étages d’escalators, l’autre horizontale sur la salle d’hôpital où les appareils lumineux rayonnent doucement, on voit Jenjira revenir dans la même salle déserte, couverte d’un humus de feuilles mortes et d’objets abîmés, comme si plusieurs années s’étaient brusquement écoulées. À partir de là, Itt, Keng et Jenjira vont poursuivre leur drôle d’histoire dans des lieux grands ouvert : aussi bien ces kiosques et plateformes qui apparaissent dans tous les films de Weerasethakul et mettent les figures sur des plateaux provisoires, que le parc où l’on est invité à voir un palais, ou un terrain de foot bizarrement chamboulé par les pelleteuses comme une version à ciel ouvert de la chambre aux dunes de Stalker. Cemetery of Splendour ressemble à ces rubans qui transforment une impulsion minuscule donnée à une extrémité en ondoiement gigantesque, à l’autre bout. Des premiers plans montrant Itt endormi dans son lit, sous une fenêtre cadrant le dehors, jusqu’au terrain de foot final devant lequel Jenjira reste stupéfaite, le film raconte une sorte d’explosion discrète de l’espace, une confusion lente du dessus et du dessous, du proche et du lointain.
Cyril Béghin, Cahiers du cinéma, septembre 2015

  • Grand Prix d'Honneur

Fiche technique

Thaïlande, Royaume-Uni, Allemagne, France, Malaisie, Corée du Sud, Mexique, Etats-Unis, Norvège / 2015 / 122’