Les premiers films de Waël Noureddine ne laissaient aucun doute. Pour lui, le cinéma ne se résume pas à une collecte d’images. Il a plutôt pour mission d’arracher, de saisir, de transmettre l’expérience la plus brûlante, la plus vaste possible. Epreuve physique, expérience intérieure, comme disait Bataille. Plus que des images, des visions : son rapport au cinéma est mystique. Et ce sont en effet des possibles religions et des croyances archaïques, le titre en pointe l’au-delà, que ce dernier film entend revivifier. Quittant le Liban des précédents tournages pour le Yémen, il s’agit, nous prévient-on, de revenir aux sources polythéistes d’avant l’instauration de l’Islam. Aux anciennes divinités arabes célébrées il y a bien longtemps, le film apporte son sacrifice généreux, ininterrompu, de plans, de coupes, de surexpositions, de visages, de vues désertiques. Le très ancien est toujours là, par à-coups, il suffit d’en guetter les épiphanies, de les assembler, pour les mêler avec les dieux d’aujourd’hui : Jim Morrison, le Che, JLG, etc., litanie contemporaine déroulée en off par la voix de F.J. Ossang. Projet rimbaldien, on l’aura compris, d’une laïcité gagnée par-delà le déni de foi, soif jamais étanchée d’émerveillement séculaire.
Jean-Pierre Rehm