Des histoires entremêlées, comme l’indique le titre en manière de traduction, il est certain que ce film au scénario hautement composite nous les propose. Délaissant le montage alterné, encore trop univoque, Sherad Anthony Sanchez superpose dans ce premier film les temporalités et les régimes narratifs : le mythe, le conte, l’allégorie, le documentaire, le film de guerre, le film d’avant-garde, etc. Tout ici est matériau propice à dresser un état des lieux de la confusion idéologique et pratique qui semble la meilleure description du climat récent aux Philippines. Du même coup, c’est la richesse d’un large panorama de figures qui frappe le spectateur : prêtresse shaman ancestrale frappée de stigmates christiques, soldats approximatifs s’essayant au karakoe, paire d’enfants abandonnés errant dans la forêt, militants marxistes insouciants, etc. Il serait vain de tenter de resserrer cette luxuriance, dont la nature omniprésente est le miroir exact, en une intrigue ordonnée. Mieux vaut s’abandonner au cheminement des actions éclatées, qui vont lentement les unes à la rencontre des autres.
Jean-Pierre Rehm