Eté 2003, un homme sur une moto, une lame de rasoir à la main, rôde dans les rues de Tunis. Il s’est donné une mission : balafrer les plus belles paires de fesses des femmes qui arpentent les trottoirs de la ville. On l’appelle le Challat. Ce mot est très probablement une déformation orale du mot Gillette, célèbre marque de lame de rasoir. A cette époque, l’ombre du Challat a altéré les habitudes vestimentaires des tunisiennes : plus de jean serré, plus de mini jupe… D’un quartier à l’autre, les histoires les plus folles circulent à son égard. On raconte qu’il s’agit d’un fou d’Allah, membre d’une cellule dormante d’Al‐Qaïda, qui punirait celles qui se moquent ouvertement de ses préceptes. On raconte aussi que le Challat se venge de toutes les femmes aguicheuses simplement parce que sa femme l’aurait fait cocu. Tout le monde en parle mais personne ne l’a jamais vu. Sept ans plus tard, en 2010, une jeune réalisatrice part à la recherche de ce véritable mythe vivant. Elle se fait un point d’honneur de savoir pourquoi le Challat en voudrait à des femmes comme elle, dans une Tunisie qui, depuis son indépendance, avait réussi, très tôt et mieux que ses voisins, le pari de la modernité en permettant à ses femmes de s’émanciper.
Kaouther Ben Hania