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BIRD IN THE PENINSULA

Atsushi Wada

Atsushi Wada
Un petit garçon lance une machine qui semble une version géante de lui-même. Le même petit garçon essaye sans succès d’apprendre une chorégraphie de kabuki. Une petite fille les épie. Un chien hume une odeur. Un oiseau apparaît. Le garçon s’amuse avec le chien… À partir de quelques éléments introduits graduellement, Atsushi Wada organise une circulation de motifs qui se mêlent, se complètent, se recombinent. Le montage part du détail pour révéler ensuite, dans un élargissement du cadre, ce qui a été reconfiguré. Graduellement se fait jour une ronde sur la naissance de la sexualité et de ses terreurs. (Nathan Letoré)

Entretien avec Atsushi Wada

Le film aborde beaucoup de thèmes indirectement : la sexualité naissante, les arts traditionnels, la nature et la technologie… Quel était le point de départ du film ?

L’idée du film remonte à il y a dix ans, quand je regardais un documentaire japonais. Dans ce film, les enfants d’un village japonais répétaient une cérémonie pour le festival traditionnel du village, et il y avait un plan d’un adulte à côté d’eux, qui les surveillait tandis qu’ils dansaient. Il ne me semblait pas que les enfants s’amusaient à cette répétition ; je me suis demandé, « Quelle est cette cérémonie ? », et si c’était un rite de passage pour en faire des adultes, et je me suis dit « Qu’est-ce que ça veut dire de devenir adulte par une cérémonie ? ». Des thèmes importants de ce film, comme ce qu’est une cérémonie, et ce que veut dire grandir, se sont décidés alors.

Votre film est composé de quelques motifs clefs, qui réapparaissent avec des modifications subtiles à plusieurs reprises. Comment avez-vous structuré votre film ?

Tandis que je faisais ce film, je ne voulais pas en explorer le thème du seul point de vue du garçon qui en est le personnage principal. Les thèmes principaux étaient en place, mais d’un point de vue narratif, ce n’est pas intéressant quand le point de vue est unique, limité à un personnage ; et surtout, dans la vie, plusieurs choses s’emmêlent de manière compliquée. Je voulais donc à la fois inclure des choses qui avaient un rapport au thème, et des choses qui n’en avaient pas. J’ai donc rajouté des choses comme le point de vue de la fille et celui des adultes, l’oiseau un peu filou, la transformation de la chenille qui symbolise la croissance, une créature à mi-chemin entre le têtard et la grenouille s’agitant dans une flaque, et un chien dont je ne sais pas trop s’il a un rapport avec l’histoire. J’ai conçu le film comme un puzzle à partir de ces éléments.

Quand on pense au Japon, on pense plutôt à un archipel qu’à une péninsule. Pourquoi ce titre ?

Ce film parle d’un rite de passage, par lequel des enfants deviennent des adultes, mais je pense que quand ils sont pris dans la cérémonie, ils sont dans un état qui n’est ni l’enfance ni l’âge adulte, qui oscille entre l’enfance et l’âge adulte, donc je voulais un titre qui puisse évoquer cet état de ni l’un ni l’autre. D’un point de vue étymologique, en japonais, péninsule signifie « presque une île », et je l’ai choisi comme titre parce que je trouvais que cette ambiguïté, ce quelque chose qui est une île et n’est pas une île, collait au thème.

Pouvez-vous nous parler de votre technique d’animation ?

J’ai toujours aimé les peintures bouddhistes, et en suivant cette influence, dans mes propres œuvres je dessine avec des lignes uniformes, presque monotones. Comme je dessine tout en numérique en ce moment, j’utilise une tablette, grâce à laquelle je peux régler la texture et la largeur du trait exactement selon mon souhait. Les thèmes de tous mes films sont différents, mais dans tous, un grand thème qui les relie à moi est l’idée de « dessiner des mouvements justes, avec un rythme et un tempo justes ». Je fais donc particulièrement attention, au sein de l’œuvre, aux moments qui ont ce ressenti. Dans ce film, j’ai passé beaucoup de temps à dessiner des scènes comme celle dans laquelle le garçon caresse le cou de l’oiseau, comme pour vérifier la texture des plumes, ou quand le chien crache la mandarine qu’il avait épluchée pour lui.

Propos recueillis par Nathan Letoré

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Fiche technique

Japon, France / 2022 / Couleur / 16’

Version originale : sans paroles
Scénario : Atsushi Wada
Image : Atsushi Wada
Montage : Atsushi Wada
Musique : Mio Adachi
Son : Masuma Takino
Production : Nobuaki Doi (New Deer), Emmanuel-Alain Raynal & Pierre Baussaron (Miyu Productions)
Distribution : Luce Grosjean (Miyu Distribution).
Filmographie sélective : My exercise, 2022
My Marsh, 2017
Autumn from Antonio Vivaldi ‘The Four Seasons’, 2017
Anomalies, 2013
The Great Rabbit, 2011.

ENTRETIEN AVEC LE RÉALISATEUR