Grand Prix de la Compétition Internationale : FUCK THE POLIS de Rita Azevedo Gomes

Prix Georges de Beauregard International : FRÍO METAL de Clemente Castor

Mention spéciale du Jury de la Compétition Internationale : COBRE de Nicolás Pereda

Grand Prix de la Compétition Française : BONNE JOURNÉE Pauline Bastard

Prix Georges de Beauregard National : HORS-CHAMP, LES OMBRES d’Anna Dubosc, Gustavo de Mattos Jahn

Prix du Centre national des arts plastiques (Cnap) : DES MILLÉNAIRES D’ABSENCE de Philippe Rouy

Mention spéciale du Jury du Centre national des arts plastiques (Cnap) : L’AMOUR SUR LE CHEMIN DES RONCETTES de Sophie Roger

Prix Premier Film : FANTAISIE d’Isabel Pagliai

Mention spéciale du Jury de la Compétition Premier Film : LOS CRUCES de Julián Galay

Mention spéciale du Jury de la Compétition Premier Film : SI NOUS HABITONS UN ÉCLAIR de Louise Chevillotte

Prix Fondazione Claudia Cardinale : FERNLICHT de Johanna Schorn Kalinsky

Prix Ciné+ d’aide à la distribution, en partenariat avec le GNCR : MORTE E VIDA MADALENA de Guto Parente

Prix Flash : گل‌های شب ِدریا de Maryam Tafakory

Mention spéciale du Jury de la Compétition Flash : A PRELUDE de Wendelien van Oldenborgh

Mention spéciale du Jury de la Compétition Flash : CONTROL ANATOMY de Mahmoud Alhaj

Mention spéciale du Jury de la Compétition Flash : LENGUA MUERTA de José Jiménez

Prix Alice Guy : ABORTION PARTY de Julia Mellen

Prix Renaud Victor : BULAKNA de Leonor Noivo

Mention spéciale du Jury Renaud Victor : SI NOUS HABITONS UN ÉCLAIR de Louise Chevillotte

Prix des Lycéen·nes : NEXT LIFE de Tenzin Phuntsog

Mention spéciale du Jury des Lycéen·nes : MIRACULOUS ACCIDENT d’Assaf Gruber

Prix de l’École de la 2e Chance : NEXT LIFE de Tenzin Phuntsog

Mention spéciale du Jury de l’École de la 2e Chance : JACOB’S HOUSE

Prix du Public : A JUVENTUD ES UNA ISLA de Louise Ernandez

Grand Prix de la Compétition Internationale : FUCK THE POLIS de Rita Azevedo Gomes

Prix Georges de Beauregard International : FRÍO METAL de Clemente Castor

Mention spéciale du Jury de la Compétition Internationale : COBRE de Nicolás Pereda

Grand Prix de la Compétition Française : BONNE JOURNÉE Pauline Bastard

Prix Georges de Beauregard National : HORS-CHAMP, LES OMBRES d’Anna Dubosc, Gustavo de Mattos Jahn

Prix du Centre national des arts plastiques (Cnap) : DES MILLÉNAIRES D’ABSENCE de Philippe Rouy

Mention spéciale du Jury du Centre national des arts plastiques (Cnap) : L’AMOUR SUR LE CHEMIN DES RONCETTES de Sophie Roger

Prix Premier Film : FANTAISIE d’Isabel Pagliai

Mention spéciale du Jury de la Compétition Premier Film : LOS CRUCES de Julián Galay

Mention spéciale du Jury de la Compétition Premier Film : SI NOUS HABITONS UN ÉCLAIR de Louise Chevillotte

Prix Fondazione Claudia Cardinale : FERNLICHT de Johanna Schorn Kalinsky

Prix Ciné+ d’aide à la distribution, en partenariat avec le GNCR : MORTE E VIDA MADALENA de Guto Parente

Prix Flash : گل‌های شب ِدریا de Maryam Tafakory

Mention spéciale du Jury de la Compétition Flash : A PRELUDE de Wendelien van Oldenborgh

Mention spéciale du Jury de la Compétition Flash : CONTROL ANATOMY de Mahmoud Alhaj

Mention spéciale du Jury de la Compétition Flash : LENGUA MUERTA de José Jiménez

Prix Alice Guy : ABORTION PARTY de Julia Mellen

Prix Renaud Victor : BULAKNA de Leonor Noivo

Mention spéciale du Jury Renaud Victor : SI NOUS HABITONS UN ÉCLAIR de Louise Chevillotte

Prix des Lycéen·nes : NEXT LIFE de Tenzin Phuntsog

Mention spéciale du Jury des Lycéen·nes : MIRACULOUS ACCIDENT d’Assaf Gruber

Prix de l’École de la 2e Chance : NEXT LIFE de Tenzin Phuntsog

Mention spéciale du Jury de l’École de la 2e Chance : JACOB’S HOUSE

Prix du Public : A JUVENTUD ES UNA ISLA de Louise Ernandez

« Couteau dans le cœur de l’Europe » : c’est ainsi qu’un diplomate américain avait décrit l’enclave de Kaliningrad, éclat de Russie fiché entre la Lituanie, la Pologne et la mer baltique. C’est là, dans cette étrangeté géopolitique, qu’a grandi Artem Terent’ev et qu’il a réalisé, au printemps 2024, les merveilleux plans qui composent son premier long métrage. Un rayon de lumière projette l’ombre des motifs d’un voile de rideau sur le bras d’un fauteuil, puis la caméra se met en mouvement dans l’appartement familial et des mots s’écrivent au bas de l’image : « Chers spectateurs, je suis maintenant en train de monter ce film. » Soit d’assembler des plans collectés jour après jour sans autre projet que de « combattre la mélancolie et l’anxiété » par le plaisir et le temps pris à les façonner. L’anxiété vient de l’avenir, que la propagande russe, diffusée par la télévision que regarde la grand-mère, rend peu désirable. La mélancolie regarde vers le passé, vers une enfance dont la perte se fait d’autant plus sentir que le grand-père est mort il y a peu. Impuissant quant à l’avenir, le cinéma est une formidable machine à retrouver le temps perdu. Pour que la rédemption du passé redonne goût et éclat au présent, le jeune homme quitte l’appartement familial et emprunte le chemin qui, enfant, le menait à la datcha du grand-père. Des enfants cavalent dans les ruines de bâtiments délabrés, des adultes pêchent dans le fleuve, la nuit, à la lumière d’une frontale, des inconnus se promènent le long de la rivière, de l’autre côté : au fil de la déambulation et au hasard des rencontres, le jeune homme à la caméra fabrique des plans dont chacun, à la main ou sur pied, large paysage, gros plan d’un visage ou rien que le miroitement du soleil à la surface de l’eau, paraît rendre son enfance au cinéma. Le monteur, lui, écrit sur l’image des souvenirs et des plans qu’il a choisi de ne pas monter. Film sans modèle, cinéma sans mode d’emploi, beauté sans phrase qui ne procède que d’une passion du réel et d’un rare don pour trouver le cadre et la lumière qui le transfigurent :  baume sur le cœur et les blessures de chacun. 

Cyril Neyrat

Entretien

Artem Terent’ev

Votre film échappe à toute définition : à la fois une étude du territoire qui lui donne son titre, l’enclave russe de Kaliningrad, entre la Pologne et la Lituanie, un hommage à votre grand-père, une évocation de votre enfance… Pouvez-vous retracer ses origines ? À quels besoins a-t-il répondu? Quelles ont été vos premières impulsions ?

L’origine était la mort. Je suis retourné dans la maison de mon enfance, mon grand-père n’était plus là, j’étais dans un état d’épuisement mental. Mes projets s’effondraient et le monde autour de moi subissait un profond changement. Filmer est devenu une sorte d’auto-soutien – comme écrire dans un journal dans une période de troubles historiques – une manière de me contenir. J’ai simplement commencé par observer les traces matérielles du monde de mon grand-père – un monde que j’ai aussi reconnu comme le paysage de mon enfance.

Dès le début, l’histoire révèle sa double temporalité : celle de la réalité filmée au fil des plans, et celle du montage, de la voix silencieuse à la première première personne que vous inscrivez sur l’image. Pouvez-vous commenter cette approche ?

La voix silencieuse permet à l’acte de représentation de devenir visible. Elle met l’accent sur le processus du film qui devient film – un processus qui me fascine profondément. Pour moi, la substance du cinéma naît à la frontière entre méthode et réalité, entre ce qui est montré et ce qui est dit, entre image et imagination. Le texte qui émerge de la structure temporelle du montage est une manière d’entrer en dialogue avec la réalité depuis laquelle se tisse le film – pas pour la maîtriser, mais pour l’écouter. C’est pour cela que j’ai évité d’utiliser une voix off : à la place, le commentaire est intégré à l’image en elle-même, et fait partie de sa texture. L’idée que le cinéaste abandonne sa voix – et devient simplement une voix parmi d’autres – toutes à égalité dans l’espace partagé des sous-titres, m’attire beaucoup. Par ailleurs, la voix que l’on entend en lisant les sous-titres est la nôtre.

Le film est également partagé entre le contexte contemporain – la situation en Russie, la guerre en Ukraine, mentionnée en particulier par la voix de la propagande télévisée – et ce qui paraît être une tentative d’y échapper, par des rencontres qui sont comme des opportunités de revenir à l’enfance. Mais une rencontre, vers la fin, ramène l’angoisse de la guerre. Nous sentons un besoin d’échapper au présent, et une tentative de produire une sorte d’intemporalité, par la beauté.

Oui, il y a au cœur du film une rupture entre le désir de toucher ce qui est sensible et douloureux, et la fuite imposée à la fois par la réalité et un état intérieur – et le film qui existe autour de ça. Le film était aussi une manière de refléter des expériences personnelles difficiles à exprimer : la culpabilité, l’identité, la mémoire, le deuil. Je pense que certaines choses ne peuvent pas être exprimées par des formes conventionnelles. Parfois, fuir la représentation directe aide à nous protéger contre le risque d’être immoral ou manipulateur lorsque l’on s’approche de la douleur d’un autre. Parfois, le traumatisme personnel se révèle dans ce que l’on choisit de ne pas dire. Par exemple, dans un refus sincère de parler de la guerre à part par un courant silencieux d’anxiété. Le cinéma est plein de choses qui émergent hors du contrôle du réalisateur, c’est pourquoi je ne me sens jamais entièrement certain de mes intentions. J’essaie simplement d’être honnête avec moi-même.

Quant à la beauté – vous avez raison. La vie est très courte, et je ne vois pas beaucoup de raisons de faire des films autres que l’amour : l’amour de la beauté, du monde, des différents états d’existence, des différents âges, du temps passé avec les autres ou passé avec nous-mêmes, du mystère. Pour moi, faire des films est l’acte d’exprimer cet amour – sans qui, la plus grande part de la vie perd son sens.

Une date, une seule, est mentionnée au début : le 1er mai 2024. Quelle est sa signification ?

À cette date, mon grand-père aurait eu 87 ans. C’est aussi la seule fête qui a un vrai sens pour moi – la Journée internationale des travailleurs, une célébration de la solidarité mondiale. Ce jour-là, j’ai réalisé l’image qui devait ouvrir le film, et le processus de montage a commencé.

À la fin du film, vous révélez un peu de votre méthode de tournage : des « fragments » recueillis jour après jour – on devine qu’il n’y avait ni écriture ni plan de tournage. Mais le texte révèle un trajet : de l’appartement de famille où vous avez grandi, à la datcha de votre grand-père. Vous mentionnez aussi tout ce que vous avez choisi de ne pas garder. Pouvez-vous revenir sur cette dimension fragmentaire, et sur la manière dont vous avez quand même construit un récit ?

C’est comme écrire un poème – guidé par un sentiment, une direction qu’il est difficile d’exprimer, et un état interne. À un moment, j’ai décidé que l’histoire suivrait une sorte de topographie : une route à travers des endroits familiers, qui est devenue la structure du film. Mais ce n’est pas une histoire dans le sens usuel du terme : plutôt une séquence de pauses, de moments de tranquillité, de paysages vus, de rencontres spontanées avec des personnes devenues des personnages, des rimes visuelles découvertes comme ready-made. Le film est un processus vivant – imprévisible et parfois douloureux, mais aussi une aventure, où chaque rencontre peut créer quelque chose de nouveau. Même s’il y a un scénario, une histoire se réimagine toujours lorsqu’elle se fait. Parfois le cinéma n’est pas simplement une manière de raconter une histoire, mais une manière de changer sa direction – de révéler quelque chose de vivant en son cœur. Pour moi, plus le processus est incertain, risqué, et fragmentaire, plus l’assemblage des pièces est palpitant – la quête de sens ou l’acceptation de son absence. Je pense que cette impulsion provient de mon enfance post-soviétique et d’un jeu que j’avais inventé quand j’étais jeune appelé « Ragamuffins » : récupérer des fragments du monde – objets jetés, déchets – et les recombiner à l’infini en de nouvelles constellations. J’ai écrit un texte court sur ce jeu, qui peut servir de note d’intention personnelle. [https://wildlakes.tilda.ws/Texts#rec268712852]

L’image alterne entre des plans très larges, fixes du paysage – les bâtiments, la rivière, les petites silhouettes humaines en arrière-plan – et une caméra portée extrêmement mobile, souvent concentrée de près sur les motifs, jusqu’à l’abstraction. Qu’avez-vous essayé de saisir dans vos plans, jour après jour ?

Chaque cadre – sa tonalité, sa distance au monde et les personnes à l’intérieur – trouve ses propres règles à chaque fois. Oui, c’est un outil de cinéma, mais il me paraît très naturel. Il y a un plan-paysage du pont de la reine Louise, à la frontière entre la Russie et l’Europe, avec des garçons au loin. Et le plan suivant nous emmène près d’eux – intime, portable, impliqué. Entre ces deux moments, quelque chose a changé. Nous avons appris à nous connaître. Ils ont demandé ce que je faisais, et je les ai invités à continuer à faire ce qu’ils faisaient déjà, sauf que cette fois-ci, la caméra regarde. Ce changement de connexion a donné forme à l’image – et au sentiment qu’elle donne. Ces vibrations délicates de l’humeur du monde m’intéressent, et la caméra m’aide à les traduire. Le film est documentaire, mais il n’est pas neutre ni détaché. Il n’y a pas d’intrigue ou de personnages conventionnels, mais il y a l’expérience de la présence, de la rencontre, de la subjectivité que je veux partager avec le spectateur.

L’image paraît constamment affectée par une sorte de voile, qui met la réalité à distance. La basse définition joue un rôle essentiel dans le travail sur l’image et la lumière. Quels équipements avez-vous utilisés ? Pouvez-vous nous parler de votre travail sur la lumière et de votre recherche sur la texture de l’image ?

J’explore l’image digitale lo-fi depuis un certain temps et c’est la base de tous mes courts métrages. Je suis particulièrement attaché à l’utilisation des caméras des téléphones Nokia ou de dispositifs digitaux vintage poussés à leur limite, surtout en faible luminosité. Leurs limites donnent plus de place à l’imagination que ne le peut la précision. Ils révèlent souvent davantage de notre temps que ce que les équipements digitaux ou argentiques trop lisses. Ici, j’ai voulu évoquer à la fois la sensualité d’une mauvaise vue et la texture vaporeuse des souvenirs attachés à un lieu familier, tout en gardant le paysage sonore extrêmement physique et ancré. J’ai utilisé deux caméras : la Blackmagic Pocket originale, et le légendaire caméscope Panasonic AG-DVX100B. Pour la Blackmagic, j’ai assemblé un objectif DIY – en coupant et fusionnant un Industar 50mm soviétique avec un bloc zoom optique d’une ancienne caméra cinématographique soviétique. Ce charmant objectif zoom, qui a couvert toutes les distances focales dont j’avais besoin, m’a coûté seulement dix euros.

Propos recueillis par Cyril Neyrat

Fiche technique

  • Sous-titres :
    Anglais, français
  • Scénario :
    Artem Terent’ev
  • Image :
    Artem Terent’ev
  • Montage :
    Artem Terent’ev
  • Son :
    Sergey Ivanov
  • Production :
    Hans Broich (SUPERZOOM Film), Felix Leitner (SUPERZOOM Film)
  • Contact :
    Shellac