En partenariat avec Aflam
en présence de la réalisatrice (avant-première)Dans la Mansouria, luxuriante propriété en décrépitude sur les hauteurs de Tanger, Lina se consacre à étudier les oiseaux et à alimenter son drôle de journal filmé, que suivent des milliers de viewers sur le web. Mue tant par ses rêves de retour à la nature que par ses désirs de révolte, elle tance les siens du haut de ses 13 ans tandis qu’elle découvre les jeux passionnels qui dictent la marche du monde : avidité, relations de pouvoir, colère, amour…Si la jeune fille a fait voeu de silence après la mort de sa mère, c’est bien sa verve fougueuse et sa voix aigre-douce qui attisent un film fiévreux, aux accents tragiques. Indivision organise sa narration profuse en rebondissements autour de deux mondes qui s’opposent. Tout d’abord, le clan des Bechtani, famille à la grandeur décadente qui se déchire autour de la vente du terrain. Ensuite, des villageois, pauvres, qui y habitent et qui ont tout à craindre d’une expulsion orchestrée par les promoteurs immobiliers qui convoitent la Mansouria. Porté par une troupe d’acteurs et d’actrices hors pair, Indivision est une saga familiale tumultueuse et foisonnante qui semble pétrie dans les pulsions de ses personnages. Lelila Kilani en fait le ferment d’un étonnant débordement de la parole que nourrissent les virevoltants passages de l’Arabe au Français et le le rapport au langage de sa protagoniste principale, muette. Lina couvre son corps de mots et de questions écrits au feutre noir quand, inscrits à même l’écran, les échanges avec ses viewers produisent un vivant commentaire de l’action même du film. Indivision embrasse avec brio le trop plein d’un âge et offre une singulière traduction des urgences et des intensités adolescentes confrontées aux remous d’un monde en mutation.
Claire Lasolle