Chantal Akerman
Lorsque que Chantal Akerman s’empare de La Prisionnière, cinquième partie d’À la recherche du temps perdu de Marcel Proust, la voilà en terrain familier. Soit la réclusion pour ces deux personnages enfermés dans un huis clos, le désir, la sexualité adolescente et la jalousie. « Proust je l’ai lu par petits bouts, assez jeune » dira-t-elle. « Puis je l’ai relu après avoir fait Jeanne Dielman. Tout de suite avec La Prisonnière je me suis dit c’est quelque chose sur une obsession, ça se passe dans un appartement… c’est pour moi. Tout le livre a été très important parce que cela traite de sujets qui maintenant sont devenus importants, c’est à dire la France et l’affaire Dreyfus, la France et les ‘gender studies’ et puis l’histoire, c’est à dire comment la bourgeoisie ne rêvait que d’aristocratie et comment l’aristocratie ne rêvait que d’argent et donc a dû se mêler avec la bourgeoisie. » Elle précisera par ailleurs ses choix pour l’adaptation pour le film « Inspiré de Marcel Proust » comme indiqué au générique, où le narrateur y devient un personnage prénommé Simon, et Albertine est Ariane, et dont l’action se passe à une époque indéfinie : « J’ai voulu créer un monde mental plutôt que décrire une époque. Me concentrer sur la matière, la lumière, les murs, les corps. Cela impliquait d’enlever le maximum d’éléments anecdotiques, afin d’engendrer un sentiment de trouble qui renvoie chacun à sa propre intériorité. » Et de restituer par le film ce qui anime le livre, son écriture, libre et parfois très proche du texte à la fois : « Pour arriver à l’adapter vraiment, il faut faire repasser Proust par soi-même, et préférer une approche que je qualifierai de minimale plutôt que minimaliste. Peut-être que le film est minimaliste par rapport au livre, mais d’un autre côté, c’est un film proliférant, il est constitué de beaucoup d’éléments. J’ai voulu être à l’os de cette histoire et du texte, à son coeur même, alors j’ai pris peu du livre pour arriver au coeur du sujet. »
N.F.