En présence d’Antonin Peretjatko.
Dans le cadre du cycle de films sélectionnés par le Jury « Artistes en exil », en collaboration avec L’Atelier des artistes en exil.
Le film sera précédé par QUATRIÈME ÉTAGE APRÈS LA NAKBA de Salameh Samer (Syrie, Liban | 2015 | 23′)
VOYAGE AU BORD DE LA GUERRE
VOYAGE ALONG THE WAR
Antonin Peretjatko
France / 2024 / Couleur / 62'
- Compétition Française
- 2024
- Prix de l'École de la 2e Chance
Le 15 mai 2022 au matin, Antonin Peretjatko, son preneur de son et AndreÏ, réfugié ukrainien, quittent en voiture la banlieue parisienne. Destination Lviv – soit le bord de la guerre, pas son cœur. C’est sur ce bord qu’ils s’installent pour y rencontrer ceux qui, fuyant les destructions et la mort, y ont trouvé refuge. Pas de longues conversations : de brèves rencontres au cours desquelles les bribes d’expérience partagées suffisent à dire l’effroi de vies changées, traumatisées par l’agression russe. « Je prends une caméra 16mm : j’espère ainsi déjouer le formalisme et la façon de penser que nous impose le numérique ». Avant le départ, le cinéaste avait formulé cette profession de foi matérialiste : la pensée et la forme sont liées à l’outil, aux conditions matérielles de réalisation du film. Là sont la nécessité et la beauté du Voyage : fabriquer une autre approche, un autre récit, depuis un autre point de vue sur cette guerre – sur la guerre. Non pas contre ou à rebours des formes et discours médiatiques ou documentaires dominants : dans un complet dédain, une souveraine ignorance de ceux-ci. Souveraineté et innocence : on peut faire aujourd’hui son journal de voyage dans l’Ukraine en guerre dans les formes du cinéma d’hier – les années 60-70, pour aller vite. On peut même faire de cette urgence contemporaine l’occasion d’une résurrection de ces formes passées. Les travellings latéraux et avant fixent sur la pellicule, depuis la voiture, les traces de la guerre : immeubles éventrés, barrages routiers, etc. La voix off à la première personne, après l’arrivée à Lviv, prend les commandes du récit pour compliquer la simple chronique du voyage par un cheminement intime de la pensée. Un second voyage, en hiver, s’enfonce vers Kiyv. Cette fois on y est, là où ça a eu lieu : Boutcha, Irpin, villes martyres, presque fantômes. Quand le film s’achève, on réalise que depuis le bord, le voyage a atteint le cœur.
Cyril Neyrat