Une nuit à ne rien savoir, une nuit d’ignorance, nous prévient le titre. Et il est vrai que ce film, premier long-métrage de Payal Kapadia, jeune réalisatrice indienne, prend le parti de l’obscurité. Beaucoup de noir, zébré d’éclats lumineux, est la couleur, presque une matière épaisse, qui teinte les blocs à l’aide desquels le film progresse. L’intrigue est mince : L. est une jeune étudiante en cinéma, elle tombe amoureuse de K., tandis que prennent place, dans l’Université, des manifestations qui vont être au fur et à mesure davantage réprimées. On l’aura compris : il s’agit de documenter des événements tout à fait réels, qui ont eu lieu il y a peu, sans omettre de les porter, par ailleurs, à la véritable mesure des espérances qui les ont nourries. Autrement dit, de faire sentir combien une aventure de lutte ne constitue pas « un fait », délimité, observable, mais, bien différemment, une aventure sensible, opaque en un sens, une traversée nerveuse d’espaces divers : rhétorique, militant, humain, amoureux, amical, policier, etc. C’est là, très exactement, où réside la puissance et l’audace de l’entreprise de Payal Kapadia, dans un geste qu’elle emprunte explicitement à Pasolini : raconter le temps de revendication, l’exercice de souveraineté politique, comme la description emportée et contrastée, incertaine quelquefois, d’un espace d’amour. C’est à nous laisser entraîner dans cette possibilité passionnée que nous sommes conviés, pour un moment où les émotions se succèdent, chacune rivalisant d’intelligence. (Jean-Pierre Rehm)
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Fiche technique
France, Inde / 2021 / Couleur et noir et blanc / 35 mm / 90’
Version originale : bengali, hindi.
Sous-titres : anglais, français.
Scénario : Payal Kapadia
Image : Ranabir Das
Montage : Ranabir Das
Son : Moinak Bose
Production : Julien Graff et Thomas Hakim (Petit Chaos).
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