Le premier film commun de Sepúlveda (réalisation) et Adriazola (production) commence, bien sûr, par la fin. Un homme gît immobile sur les rives caillouteuses d’une rivière, en périphérie de Santiago du Chili, comme si l’eau l’avait rejeté. On apprendra bientôt qu’il a tenté de se suicider, et on l’entendra dire qu’il ne se souvient de rien avant cela. Le film peut se lire comme une remontée à contre-courant vers ce qui a pu conduire cet homme à un suicide manqué — un voyage vers la source, de la périphérie au centre-ville. Ce n’est pas que les événements se déroulent à l’envers, mais que le montage lui-même, en refusant toute linéarité causale, trace une anatomie des discontinuités et des contradictions qui traversent le personnage. La structure non soumise aux principes dramatiques conventionnels et le montage syncopé (deux constantes dans l’œuvre du duo) agissent ici comme un scalpel sur le corps de l’acteur/personnage (Héctor Silva / Daniel SS).
À la veine du cinéma direct, cette première œuvre superpose la création de situations simulées qui servent de base à une improvisation — un autre procédé qui deviendra central chez les cinéastes. Les dialogues prennent alors un caractère performatif : ils valent davantage pour ce qu’ils provoquent que pour ce qu’ils signifient. Le film commence à agir sur le travail de l’acteur ou des cinéastes, et non l’inverse. Faire un film devient l’acte d’entrer dans un processus ouvert, viscéral, sans règles.
Manuel Asín