FIDMarseille x La Gaya Scienza #7

MATATA et KATASUMBIKA de Petna Ndaliko Katondolo

Programme
  • 11.12.25
    20:30
    La Gaya Scienza, Nice
Conditions tarifaires et billetterie via le site de la Gaya Scienza

Le FIDMarseille poursuit sa collaboration avec La Gaya Scienza, lieu d’exploration artistique et poétique à Nice. Le prochain rendez-vous est consacré à deux films du réalisateur congolais (RDC) Petna Ndaliko Katondolo : Matata (FID 2020) et Katasumbika (FID 2025). La séance sera suivie d’une discussion avec le cinéaste, animée par Claire Lasolle, programmatrice au FIDMarseille.

MATATA
Petna Ndaliko Katondolo
République démocratique du Congo, États-Unis, 2019, 37’
Autres Joyaux, FID 2020

Une femme prend la pose. Un homme la vise, et la prend en photo. Très vite, le shooting dégénère : chaque clic de l’appareil semble un pan ! de fusil-mitrailleur. Personne ne parle ; le montage se dérègle, et avec lui les images, les espaces, les temporalités. La femme s’évade : dans un bâtiment abandonné, un homme, aussi mutique qu’elle, se dérobe à ses regards. C’est lui que le film suit maintenant : il explore un musée, où est exposée l’histoire de l’Afrique, de ses souffrances et des ingérences extérieures.
Matata dresse un inventaire de l’Afrique et de l’héritage de ses représentations. La parole y est confisquée, et l’homme et la femme y errent sans pouvoir jamais vocaliser la violence dont ils sont témoins ou victimes. La photographie, et avec elle le cinéma, sont dès la séquence d’ouverture autant une technique de prédation qu’un instrument de beauté : documents ethnographiques filmés par le colonisateur, ou encore images historiques d’acteurs de la décolonisation désormais morts et neutralisés en musées…
Face à cette histoire d’exploitation, ce sont les corps qui résistent. Là où la parole est absente, la musique s’impose, et la chorégraphie envahit les espaces de vie : une bande de jeunes hommes improvise une danse dans une jeep arrêtée à un feu rouge, une exploration de ruines devient un chassé-croisé entre des corps qui se cherchent, et même une ancienne cérémonie dansée redevient un lien avec une histoire occultée. Ou comment, face à un regard réifiant, se dessine la possibilité de redevenir sujet.

(Nathan Letoré)

KATASUMBIKA
Petna Ndaliko Katondolo
République démocratique du Congo, États-Unis, 2024, 38’
Compétition internationale, FID 2025

Le coltan, autrement appelé minerai de sang, exploité dans différents pays d’Afrique centrale, dont la République Démocratique du Congo, est indispensable à nos usages technologiques. Petna Ndaliko Katondolo  en fait la pierre angulaire de Katasumbika, film manifeste à l’approche multidimensionnelle dans la continuité de ses œuvres précédentes. Au fil d’une circulation agile entre rapports historiques et raccords synesthésiques, le réalisateur tisse, troue, sculpte et suture les images présentes et passées. L’archive de la propagande coloniale belge dont les voix nasillardes déplient les opérations d’exploitation du coltan, est montrée à même les objets, projetée sur le panier en mouvement dans lequel les femmes trient les graines en chantant. Ce geste de « réencodage esthétique » - termes du cinéaste - oppose à la persistance du colonialisme et à l’extractivisme une opération de substitution (du grain de l’archive à la graine pilée). L’archive est dès lors simultanément la trace d’un héritage et une ruine en excès sur le présent, duquel peuvent ressurgir des foyers de résistance. Katasumbika est un travail de réinscription décoloniale à partir des chants, des rythmes, des gestes et des pratiques que les colons ont invisibilisés et effacés. C’est dans cette construction par strates que prennent sens et conversent des éléments a priori disjoints : des gestes agricoles, le travail dans les mines, un rassemblement politique sur une place publique pour le départ de la Mission de l’ONU filmé sur le vif, et le témoignage vibrant d’une survivante des massacres perpétrés en 2023 par l’armée congolaise en réponse à cette demande populaire. De l’image de synthèse du coltan en ouverture au son final, concret et métallique de la roche attaquée au cœur des mines, Katasumbika est une entreprise de réappropriation testimoniale et mémorielle souveraine qui nous prend à témoin d’une réalité que nul n’est censé ignorer : le prix de nos usages.

(Claire Lasolle)