Nina était moscovite. Elle a disparu il y a peu. Nina avait des amis. Parmi eux, des français, de longue date, Pierre et Vladimir Léon, l’écrivain Mathieu Riboulet. Les cinéastes ont filmé à Moscou, à Paris, des instants de leurs rencontres, à table, à blaguer, à fabriquer du souvenir. Riboulet, la mort survenue, a composé en prose ce qui s’appelait autrefois un tombeau, Le Regard de la Source. Aujourd’hui, c’est ce texte, lu par son auteur, que Vladimir Léon a filmé. En gros plan, l’exercice de la lecture : le visage de l’écrivain, l’atelier de la voix qui suit la lettre. À cet enregistrement scrupuleux se mélangent des plans anciens, home movies de la rue des radiateurs du temps où Nina y rayonnait.
Vladimir Léon nous a habitués à sa manière de raconter l’Histoire, celle du communisme notamment. Nissim dit Max et Le Brahmane du Komintern (sélection FID 2003 et 2006) tissaient l’histoire collective à partir des dérives biographiques de destinées solitaires. Pour lui, l’histoire collective entame son incarnation au singulier. Singularité accrue cette fois, dans l’enclos de l’amitié, même si l’on comprend bien que Nina était un des noms pour dire Moscou.
Jean-Pierre Rehm