L’actualité nous a rendus de tels personnages familiers. Et pourtant, d’eux, hormis leurs arnaques colossales, nous ignorons tout. Michael Berger fait partie de cette famille d’inconnus crapuleux et mythiques. À près de 20 ans, il s’envole pour New York quittant Vienne où il s’est essayé à des opérations boursières juteuses. Son trafic là-bas durera peu, mais les victimes américaines de ses bobards financiers en auront pour des millions. Démasqué, il disparaît pendant cinq ans, avant d’être arrêté et incarcéré en Autriche.
Présent déjà au FID (Das Gelb Ohne Zebra, 2004), Thomas Fürhapter choisit de se faire le récitant de cette tragi-comédie moderne qu’il baptise sobrement en sous-titre, lecteur de Thomas Bernhard, une hystérie. Ce que la forme du film dément. Nulle gesticulation ici, la caméra revient sur le parcours géographique du trader pour filmer en plan fixe les pays traversés : Angleterre, Autriche, États-Unis. Mais à chaque reprise, il s’agit de lieux très précis : la maison de sa grand-mère, une entrée de collège où il a fait ses études, la salle d’un restaurant assidûment fréquenté, un appartement loué, telle rue empruntée chaque jour, sa geôle, etc., à la manière méthodique d’une reconstitution de crime. Tâcher, en voyant, de comprendre. Tâcher, en marchant derrière ses pas, de dessiner le décor de cet american dream frauduleux. En off, une biographie ne se lasse pas de répéter son nom, comme pour donner enfin épaisseur à ce qu’il aura échoué de faire consister.
Jean-Pierre Rehm