Cette lettre filmée commandée par Michel Boujut et diffusée en octobre 1983 dans son émission Cinéma cinéma nous plonge au cœur du système Vecchiali. Un artisanat tout sauf modeste, qui n’ambitionne rien de moins que d’inverser les rapports entre l’art et le commerce. Il filme le plaisir qu’il prend à faire les comptes de la société (« Comme si mon esprit se livrait à la dichotomie : dans le même mouvement il combine chiffres et lettres et ne cesse de frissonner sournoisement dans l’imaginaire »). Que fait-on d’autre dans Une journée ordinaire (sous-titre de la lettre) ? Des travellings mélancoliques autour du Kremlin Bicêtre, la vaisselle de la cantine des tournages, des jeux de langues, des auditions de comédiens pour un téléfilm… On rêvasse en produisant. Ou l’inverse. De l’audition à l’essai, du comédien au personnage, du metteur en scène au film, il y a, à peine, une collure. Le film entrouvre une porte sur le système D comme Diagonale, cette fidèle famille de techniciens, de comédiens, de cinéastes. Vecchiali additionne les talents, mutualise les moyens, maximise les calendriers. Dans ce système rotatif, les économies d’échelles sont au bénéfice de tous. Application parfaite du conseil amical que lui avait adressé Truffaut en 1970 : « Il ne faut pas que le producteur Vecchiali soit mis en faillite par le metteur en scène Vecchiali ! ».
DB