Après Femmes Femmes, Trous de mémoire marque le deuxième tournant important dans la carrière de Vecchiali. Un homme et une femme se retrouvent, au présent, pour invoquant le passé, construire, peut-être, un futur conditionnel. L’impromptu à deux personnages annoncé par le sous-titre indique un apparent éloignement de la fascination cinétique, de sa machinerie complexe. En déménageant à la télévision l’imagerie populaire et les constructions romanesques de ses précédents films, il ouvre un nouvel espace de travail qui est comme le rebondissement de sa Lettre de Cinéaste : premières personnes du singulier, surfaces et mots intimes, souffle continu, corps et voix suspendus au frémissement de l’autre. Accord parfait des corps et des décors (le bord d’une rivière un jour d’hiver, froid mais ensoleillé), triple unité contredite par la mise en scène. Lieu et enjeu unique donnent l’illusion d’un film en plan séquence alors qu’il est en réalité très découpé. Chaque collure épaissit le mystère. Qui sont ce Paul et cette Françoise que nous voyons ? Vecchiali et Lebrun ? Des personnages de fictions ? Corps romanesques au statut indécidable, qui se disputent, plus que leur amour de cinéma, le contrôle d’un texte improvisé mais organisé autour d’une structure en trois temps jalonnée de points de repères. Si la caméra se fait discrète, c’est pour mieux épier le suspense qu’organise la lumière sur la surface des visages, et dans la suspension du verbe. Et Vecchiali, faux comédien et vrai cinéaste, enregistre, depuis l’intérieur du cadre, le temps qui fait et défait le couple, et le travail à deux voix entre un metteur en scène et ses acteurs.
DB