Méditerranée, Mort, Mélodrame, Maman. Ou comment les souvenirs les plus intimes servent de matière première à un tissage complexe élaboré en entrelaçant les fils de trois temps historiques distincts (1930, 1945, 1963), mais unifiés par l’écrasant soleil toulonnais qui inonde l’écran à chaque image. Ce film de fantômes diurnes est dédié à la mère de Vecchiali, qui décède pendant sa postproduction. Danielle Darrieux, son idole, se glisse dans le tailleur de soie bleue de cette héroïne qui sera de tous les plans. Le temps d’un retour, le temps d’un aveu. L’année 1963 (année des Parapluies de Cherbourg, de son ami et frère de cinéma Jacques Demy) comme date pivot pour se confronter à un passé qui n’est pas reconstitué, mais visualisé par une série de flashes qui assaillent sa mémoire. Images obsessionnelles, qui toutes ramènent à la force centrifuge de la villa familiale, hantées par les voix de Pétain et De Gaulle, le son des bombardements, les détonations -réelles ou fantasmées – d’un revolver. Le film est construit sur une série de rencontres (un flic, un quidam sur le port, un hôtelier, une nourrice aveugle, sa nièce avocate, sa sœur) qui interrogent autant le passé de la famille du cinéaste que les méandres de l’histoire de France. Dans les affaires de familles, les drames se nourrissent des prises de parti. Ecueil du manichéisme savamment évité par un cinéaste tour à tour ethnologue, romancier, documentariste, épistolier de ses propres sensations, qui étonne par son art de multiplier vitesses et figures (de récit, de mouvements de caméra) pour organiser la structure sérielle qui fait, comme les plus grands films de Pollet, le tour de son objet sans jamais se dissimuler derrière les codes du mélodrame qui l’abritaient encore un peu dans Corps à cœur.
DB