Fragments of This Beauty est un film qui imagine une tuerie non élucidée en Turquie. Le film se passe dans une chambre d’hôtel. La caméra ne s’aventure jamais à l’extérieur. Nous observons deux hommes. Leur relation est difficile à cerner. Nous ne savons pas ce qu’ils s’apprêtent à faire, pourquoi ils sont distants l’un de l’autre. Qu’attendent-ils ? Tout au long du film, la caméra ne quitte pas la chambre. À la fin du film, lorsque les deux hommes pointent leurs armes vers la Place Taksim, nous ne voyons pas plus la tuerie, mais nous en faisons l’expérience via le son. J’ai longtemps cherché à comprendre comment reconstituer un massacre grâce au son. À quoi ressemblerait l’expérience auditive d’un massacre ? Ce film résulte d’un long processus de recherches que j’ai mené pendant deux ans sur les conflits sociaux qui ont eu lieu en 1977 et en 1978. J’ai réalisé des entretiens individuels avec des témoins de cette époque. J’ai recueilli beaucoup de matière visuelle et sonore. Le film sera tourné en 16mm. C’est un format de tournage assez rare en Turquie. Mais je ne peux imaginer ce film autrement. C’est un film sur la mémoire collective. Transmettre la mémoire au public via un support tangible est le parti pris le plus important du film.
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