Albert Serra
Où l’on suit, incrédules, le making-of du tournage d’un film qui n’existe pas, en compagnie du cinéaste et de son équipe, sillonnant La Mancha sur les lieux réels du Don Quichotte de Cervantès. Prolongation et métafiction d’Honor de cavallería, dont on retrouve le duo d’acteurs, arpentant cette fois chambres d’hôtels et bords de route, il s’agit au départ d’une lettre filmée adressée au cinéaste argentin Lisandro Alonso, commandée par le CCCB de Barcelone pour une exposition invitant des auteurs à entrer en « Correspondances ». Road-movie à l’arrêt, faux film sur le cinéma, ou peut-être-remake par la bande du Prenez garde à la sainte putain de Rainer Werner Fassbinder (1971), ce Seigneur est surtout le portrait d’un de ses acteurs-personnages, Toti (alias Jordi Pau), excentrique figure de l’âge d’or hippie d’Ibiza, qui porte le film de ses traits de génie et de ses humeurs infernales. Construit en plans-séquences improbablement beaux, travaillés par un hors champ complètement radicalisé, cet objet étrange pourrait s’avérer être un des meilleurs films d’Albert Serra, l’un des plus plaisants et des plus mystérieux. Il se place, comme toute son œuvre, mais avec une grande frontalité, à l’intersection exacte de l’anecdotique et du mythique, de l’ennui et de la surexcitation, et nous raconte en douce la véritable histoire de l’Espagne entre deux siestes au bord du gouffre. (L.C.)
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Fiche technique
Espagne / 2011 / 146’
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