Albert Serra
Où le haut-commissaire De Roller, représentant de l’État en Polynésie Française, tente de se frayer un chemin parmi les forces en présence, dans un Tahiti contemporain de politique-fiction furieuse. Où l’acteur Benoît Magimel, représentant du cinéma français, se réinvente un corps d’images en direct, sous nos yeux troublés. Où tous les deux, dans leur costume de colon blanc cassé, cherchent de toutes leurs forces à garder forme humaine sous la pression de ce qui se délite (le monde, le film, à l’unisson, autour d’eux). Dernier film de Serra en date, Pacifiction fait sensation : pur fantasme de cinéma qui plane pour mieux se fracasser sur les îles du réel actuel, film de science-fiction historique, ou documentaire de sa propre fiction, il reprend et récapitule les motifs précédents du cinéaste tout en les emmenant voir ailleurs, se traçant un nouvel avenir. On y assiste même à la naissance de l’amour dans le cinéma d’Albert Serra – si fort d’avoir été le dernier des cruels, qu’il semble à présent pouvoir laisser arriver tout le reste, tout accueillir, y compris ce qui leur échappe, dans les filets de sa grande mise en scène du pouvoir. Maîtrisant les formes libres, les secrets de l’art subversif, qui l’ont poussé à explorer tous les rapports entre le cinéma et la mort, il recommence à filmer la vie. (L.C.)
- Albert Serra en libertés
- Séances Spéciales
Fiche technique
France, Espagne, Allemagne, Portugal / 2022 / 163’
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