Bruno Lourenço
Dans le parc naturel de Montesinho, dans le nord du Portugal, l’extravagante réapparition de l’ours déchaîne un jeu de réactions et d’intérêts contraires. Un apiculteur dit avoir aperçu l’animal décimer ses ruches mais ne pas avoir pu le filmer car son téléphone n’avait plus de batterie. Une jeune garde forestière écrit fièrement qu’ayant vu des ours à la télé, elle serait sans doute capable d’en reconnaître un en vrai. Sous couvert de jeux de rôles et de pistes hilarants, de micro-récits portés par des narrateurs peu fiables, Bruno Lourenço compose avec Oso une chronique de la jeunesse, s’attache aux croisements entre générations et au portrait d’une communauté rurale. (Nathan Letoré)
- Sentiers expanded
- 2022
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OSO
Bruno Lourenço
Le film est le portrait d’un lieu et d’une communauté. Comment est-il né?
À l’origine, Oso était un autre film. Au début, tous les films sont différents, mais dans ce cas particulier il s’agissait littéralement d’un autre film, avec un autre nom, une autre histoire, des autres personnages, filmé ailleurs. Pour des raisons budgétaires je n’ai pas pu filmer le scénario initialement prévu. J’ai gardé les bases du projet précédent, avec une petite équipe filmant des choses et les éléments encadrant des personnages isolés dans une communauté qui leur est étrangère. Une série de flash info sur un grizzly dans le nord du pays, sans doute un jeune mâle venu de la colonie espagnole des Asturies, a servi de point de départ au scénario. Avec Telmo Churro, nous avons écrit le scénario du film en essayant de laisser de la place pour ce que nous n’avions pas écrit. Je connais relativement bien la zone de Montalegre, un des deux endroits où la présence de l’ours avait été rapportée, une zone rurale désormais vieillissante et désertée loin de son âge d’or agricole et minier. Le soutien enthousiaste accordé à notre projet par la municipalité a fini de nous convaincre que nous avions trouvé notre cadre.
Le personnage féminin central est notre guide principal (mais pas le seul!) dans l’univers du film. Pourquoi cette figure centrale? Comment avez-vous travaillé avec l’actrice, et quelle part a-t-elle pris à l’élaboration du personnage?
L’idée était d’avoir deux sources narratives, une centrée sur les actions du personnage masculin, et l’autre sur la voix off du personnage féminin, qui nous parle de la communauté elle-même et de son rapport à l’ours. Cette région du pays a un accent spécifique. Durant le processus d’écriture, nous imaginions que les actions absurdes que nous voyions le personnage accomplir pourraient être combinées avec la voix off d’une jeune femme de la région, pas nécessairement de cette communauté. Nous avons organisé un casting à Montalegre, qui a été assez populaire, et il est arrivé la situation classique, nous avons trouvé notre actrice en la personne d’une fille de 16 ans qui était juste venue accompagner son amie au casting. Le fait que Sofia soit une fille très intelligente et intuitive nous a rendu la tâche bien plus facile. Je pense que sa perception de sa propre communauté et de ses rapports aux étrangers l’ont aidée à mieux comprendre le personnage de la jeune ranger. Ses textes étaient déjà écrits quand nous l’avons trouvées, et il n’y a eu que des ajustements mineurs selon ce qu’ils donnaient lus par elle. En fait, le court temps de préparation avec Sofia était centré sur la lecture pour la voix off, vu que son personnage ne jouait que dans quelques scènes. Sofia est clairement une “actrice née”, j’ai plus tard regretté de ne pas avoir écrit plus de scènes à filmer avec elle…
Votre film est aussi d’une certaine manière une méditation sur l’art de l’acteur, le rôle de l’ours étant celui à incarner. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces séquences comiques, qui ont aussi un aspect sérieux dans les conséquences économiques pour les personnages?
Je pense que c’est un film triste, malgré des touches d’humour. Deux personnages seuls, coupés de leurs origines, essayent à leur propre manière d’établir des liens avec la communauté où ils vivent temporairement. Le scénario a été écrit avec l’acteur qui tient le rôle masculin en tête, et une des bases de notre engagement était que nous devions nous amuser en faisant le film, et pour cela nous avions besoin de liberté. Cette liberté était déjà présente dans le modèle de production que nous avons choisi, et dans le fait que nous avions laissé le scénario ouvert à ce qui se passerait durant le tournage. De plus, le fait que Antonio Mortagua avait un double rôle dans le film, celui d’un homme et celui d’un homme en mode ours, si je puis dire, lui a permis, et nous a tous permis, de profiter d’une grande liberté, nous a donné l’opportunité d’expérimenter des choses différentes. L’idée était dès le départ si bizarre qu’il était inévitable qu’un ton humoristique émerge.
Une constellation de personnages secondaires existe autour des deux principaux, et le spectateur a envie de se dire qu’ils jouent leur propre rôle. Est-ce le cas? Comment les personnages et leurs rapports ont-ils été construits?
À part l’acteur principal et la personne qui jouait le président du conseil de paroisse, Joaquim Carvalho, notre directeur de production, tous ceux qui apparaissent dans le film sont des habitants de l’endroit où nous avons filmé. La logique derrière l’existence des personnages secondaires et leurs interactions avec les personnages principaux est toujours fonctionnelle. Presque comme un raccourci, ou un fil narratif. Les personnages apparaissent quand pour des raisons d’économie narrative une question devient ainsi plus facile à comprendre pour le spectateur. Nous pouvions ainsi gagner du temps pour ce qui nous importait vraiment, les actions de l’ours, les rapports de la ranger, et la nature. Nous ne nous intéressions pas tant aux rapports des personnages principaux avec les personnages secondaires, puisque la focale était sur les deux personnages solitaires, dans le cas de l’homme clairement un misanthrope, et sur la manière dont ils s’investissent graduellement dans le milieu naturel.
Propos recueillis par Nathan Letoré
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Fiche technique
Portugal / 2021 / Couleur / 16 mm / 29’
Version originale : portugais
Sous-titres : anglais
Scénario : Bruno Lourenço, Telmo Churro
Image : Hugo Azevedo
Montage : Telmo Churro
Son : António Pedro Figueiredo, Miguel Martins
Avec : António Mortágua, Sofia Pires, Joaquim Carvalho, Paulo Barroso
Production : Luis Urbano & Sandro Aguilar (O Som E A Fúria)
Distribution : Joaquim Pinheiro (Agencia – Portuguese Short Film Agency)
Filmographie : Tony, 2019.
ENTRETIEN AVEC LE RÉALISATEUR
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