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雨の詩

THE SONG OF RAIN

Tetsuichiro Tsuta

Tetsuichiro Tsuta
Quelque part au Japon, deux hommes vivent dans une maison new age, à travers les vitres de laquelle les reflets et ondulations de la pluie se dessinent en noir et blanc sur les murs. À une journaliste, l’un d’eux explique que le design de la maison permet de récupérer l’eau de pluie et de faire pousser les plantes qui répondent à leurs besoins. L’autre lui apporte le thé. À l’un la maîtrise et la belle parole, à l’autre le travail domestique. Mais que les deux sortent de la maison pour se balader dans les champs ou pêcher l’anguille, qu’ils collaborent au meurtre d’une tortue qui fera leur repas, alors les positions se renversent. Une cruauté inattendue vient alors pimenter cette variation burlesque sur les rapports divergents à la nature du Japon contemporain.(Nathan Letoré)


Votre film se base sur des interactions entre deux personnages, dont l’un semble plus à l’aise avec la parole, tandis que l’autre est plus confiant quand il faut agir. Pourquoi cette structure en duo ?

Ce film montre la perception de la nature des japonais. Selon moi, celle-ci a suivi une évolution unique, à partir d’un mélange du shintoïsme animiste du Japon ancien, lié aux chasseurs-cueilleurs, et du bouddhisme, qui vient des cultures agricoles du continent asiatique. J’ai assigné un de ces éléments à chacun des deux personnages, et développé leur coexistence comme métaphore du Japon. Il n’y a pas de rapport hiérarchique entre eux au-delà de ça : ça en a juste l’air parce que Jin est le propriétaire de la maison, tandis que Tera est un profiteur. Le fait que Jin, qui vienne de la ville, soit complètement démuni quand il est dans un contexte naturel, et devienne incapable de vivre sa vie sans l’aide de Tera, me semblait une inversion fascinante de leur relation. En vérité, j’ai rencontré plusieurs personnes comme ça.

La première scène sert à introduire la maison dans laquelle vivent les personnages, où se déroule une grande partie du film. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette maison, et pourquoi vous avez voulu y filmer ?

La maison s’appelle Earthship, et a été construite selon l’idée, défendue dans les années 1970 par l’architecte américain Michael Reynolds, d’une maison fonctionnant en circuit fermé. C’est une maison faite de conserves et de céramiques, et qui utilise la pluie et l’énergie du soleil de manière circulaire. Du point de vue de la préservation de l’environnement, elle a été remarquée à l’échelle mondiale comme un exemple de maison « durable », et une partie du film Nomadland est consacrée à Earthship.
Sa caractéristique principale est qu’après que la pluie a été filtrée du toit et utilisée comme eau courante dans la maison, elle circule automatiquement sous les sols et est utilisée pour arroser les plantes qui poussent dans la maison.

L’écologie semble tenir une place essentielle dans l’univers des personnages, mais une scène les montre dépenser beaucoup d’énergie pour tuer un animal. Comment concevez-vous leur rapport à la nature ?

Avec un regard superficiel, on pourrait penser que tuer un être vivant est cruel, mais Jin a décidé de vivre en recevant la vie des plantes et des animaux, c’est donc comme ça qu’il vit.
En tant qu’urbain, Jin pouvait se nourrir sans avoir à tuer d’animaux, mais parce qu’il comprend, intellectuellement, que vivre ainsi était une forme de fuite, il considère que la chasse devient une activité nécessaire.
De l’autre côté, puisque Tera a vécu sa vie comme ça depuis l’enfance, il ne s’est jamais posé trop de questions sur le fait de tuer des animaux et des plantes, mais chercher des bonnes choses à manger est sans doute une activité très humaine.

Pourquoi avez-vous voulu tourner votre film en noir et blanc ?

J’ai choisi une pellicule en noir et blanc parce que je voulais accentuer les nuances de la texture du grain et de la lumière. De plus, je pensais que la discordance entre la nostalgie rattachée au noir et blanc, et les objectifs futuristes du Earthship, brouilleraient la perception de l’époque des spectateurs.


Propos recueillis par Nathan Letoré

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Fiche technique

Japon / 2022 / Noir & blanc / 16 mm / 45’

Version originale : japonais
Sous-titres : anglais
Scénario : Tetsuichiro Tsuta
Image : Yutaka Aoki
Montage :
Son : Kota Sasai
Avec : Ryubun Sumori, Hiroki Teraoka
Production : Aiko Masubuchi.
Filmographie : Tale of Iya, 2013.