Une seule opération tout au long de ce film : la transformation d’un cygne en lui-même. On y suit en effet le travail d’un taxidermiste qui d’abord évide, désagrége le cadavre d’un cygne blanc pour lui redonner progressivement allure, maintien jusqu’au moment ultime de la pose de l’oeil qui clôt le processus. La lente métamorphose des couleurs, des matières organiques, des matériaux artificiels et des formes occupe les plans qui sont un hommage rendu à la patience artisanale. Noëlle Pujol sait toutefois faire de la simplicité qu’elle a choisi l’instrument d’une ambiguïté riche de lectures. Sans omettre le rapport de l’animal et de l’homme, ni le passage ambigu de la vie à l’artefact, le film oscille entre la littéralité de l’ouvrage et de sa peine et l’ouverture métaphorique qu’il esquisse. Le taxidermiste y devient un double du cinéaste, qu’on apercevra d’ailleurs furtivement à un moment clef.
Jean-Pierre Rehm