• Compétition Flash

Hâte-toi

Damien est un jeune homme pressé. Pressé de se fabriquer un cinéma, de le projeter dans sa réalité quotidienne pour l’enchanter, s’étourdir, convertir la vie en aventure océanique. « Tempête, lève-toi » est sa formule magique, hurlée face à l’océan pour que s’ouvrent plus vite les portes du merveilleux. Une jeune femme apparaît, sortie de nulle part, comme tombée exprès dans ce village du bout du Finistère pour accompagner Damien dans son rêve éveillé. Camille de Chenay est pressée elle-aussi : sept courts en six ans, plus un premier long, également présenté au FID cette année en Compétition Française (Un musée dort). On connaît l’écueil où se brise l’ordinaire du court métrage de fiction : le scénario à chute. Camille de Chenay prend un plaisir évident à raconter des histoires, à produire du récit, mais elle en prend davantage encore à fabriquer des plans, à confier aux jeux de l’image et du son la conduite d’un récit qui ne s’installe jamais dans son fauteuil. Ici au contraire ça va vite, ça prend tous les raccourcis, s’autorise toutes les embardées, ça s’élève sans répit jusqu’à l’illumination finale. Fabriquer un film, pour Camille de Chenay, c’est faire du monde réel un parc d’attractions – au sens du montage tel que l’a pratiqué et pensé Eisenstein et dont la jeune cinéaste emploie la puissance à dynamiter les routines du naturalisme à la française. Damien, lui, fabrique son cinéma, écran et projecteur, avec des bris de miroir, des bouts de corde, et la lumière d’un phare breton. Il ne le sait sans doute pas, mais c’est de Grémillon et d’Epstein qu’il hérite son envie de bricoler un phare breton en machine cinématographique. Et c’est bien ce mélange de souffle romanesque et d’esprit d’avant-garde qui fait l’éclat et la vitalité de Hâte-toi et de l’oeuvre naissante de Camille de Chenay.(C.N.)

Le Finistère a-t-il été le moteur de ce nouveau film, Hâte-toi ? Pourquoi avoir tourné en Bretagne ?

Oui parce que « finis terrae », fin de la terre. C’est dans la tête : être au bout du bout, face à l’immensité, presqu’en îlot d’ailleurs. La Bretagne, c’est pour ses secrets que tout le monde connaît, les lumières, les vents, les forêts, les falaises. Les plus grands personnages finalement. On parle d’eux depuis si longtemps. Éternels inventeurs.

 

 

Le film a les allures d’un conte mystérieux. Quelles étaient les directions au niveau de l’écriture ?

Nord, nord-est.

 

 

Le gardien du phare est un personnage qui appartient à cette tradition littéraire. Comment avez-vous dirigé Sylvain Levitte par rapport aux autres comédiens ?

Je lui ai fait avaler toutes les pages jaunies des Travailleurs de la mer de Victor Hugo, de La Mer de Jules Michelet et de Pauline d’Alexandre Dumas, trempées dans un peu d’eau salée. C’était sûrement un peu violent mais très efficace pour découvrir un homme-livre-phare-rocher qui craque comme du petit bois quand il marche.

 

 

Peut-on également interpréter cette histoire comme une allégorie du cinéma ?

Ça dépend où on place les ombres, et où on met la lumière.

 

 

Le phare et les scènes de nuit donnent l’occasion de jeux de lumière. Quels étaient vos choix pour la photographie ?

Utiliser un maximum d’objets récupérés par terre, en brocante, en cave ou en braderie. Les mettre devant la caméra et voir ce que ça donne de voir. Et si on voit plus rien, tant mieux, ça nous obligera à enfin regarder.

 

 

Votre monteuse, Lison Talagrand, étonne par ses parti pris. Comment avez-vous travaillé ensemble ?

Bout à bout. Côte à côte. Falaise à falaise. Vague à vague.

 

 

Sept courts métrages depuis 2010, un long, Hâte-toi. Dans quelles conditions soutenez-vous ce rythme de création ?

En déjouant. « Celui qui ne sait pas prendre le vent, prend froid ».

 

 

Propos recueillis par Olivier Pierre

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Fiche technique

France / 2019 / Couleur / HD, Stereo / 25'

Version originale : français.
Sous-titres : anglais.
Scénario : Camille de Chenay.
Image : Sarah Boutin.
Montage : Lison Talagrand.
Musique : Julien Bréval.
Son : Pierre Albert Vivet, Antonin Dalmasso.
Avec : Théo Cholbi, Nadia Tereszkiewicz, Marilyne Canto, Sylvain Levitte.
Production : KALPA FILMS (Tristan Bergé).
Distribution : KALPA FILMS (Tristan Bergé).
Filmographie : Personnage D’aout, 2020. Hate-Toi, 2019. Les Beaux Mensonges, 2018. La Voix Humaine, 2016. Ici Ou Maintenant, 2015. Cortege, 2015. Mort Au Reve, 2013.

ENTRETIEN AVEC LA RÉALISATRICE