Gym Lumbera est connu comme un grand magicien, d’être le chef opérateur de la jeune génération du cinéma philippin d’importance : Sherad Anthony Sanchez, John Torres… C’est à son talent que l’on doit cette sensibilité d’écorché accordée chez tous à la pellicule, sensibilité d’archive en somme, d’où ne semble percer avec brutalité que la seule lumière d’astres révolus. Pour son premier long-métrage, il est resté fidèle à ses inclinations. Voilà des images que l’on dirait sauvées de l’engloutissement. Voilà donc des images traduites — du passé. Et c’est bien de traduction qu’il retourne ici. De passer d’une rive à l’autre, d’un âge au suivant, de l’immobilité au mouvement, d’un registre, par exemple scabreux, à un autre, lyrique. Mais nulle innocence ici, cette traduction est sans symétrie, elle est marquée par la violence, celle de la colonisation, celle d’une schizophrénie. « Enfant-soleil», voilà ce que le titre signifie, autrement dit : albinos. Surexposé en quelque sorte par la lumière, cet homme plus blanc que blanc est convaincu d’avoir un fils aux États-Unis, et s’attache, en se plongeant dans un dictionnaire, à apprendre l’anglais. On aura compris que si le fil narratif est, aux dires de Lumbera, emprunté à son autobiographie, c’est surtout d’une fable sur la langue, le destin et la quête d’identité de son pays qu’il s’agit.
Jean-Pierre Rehm