Cela commence comme un conte fantastique : dans une barque glissant sur une rivière tropicale, un vieil homme parle d’un monde définitivement soumis à l’emprise des multinationales, d’un désastre écologique peuplant les eaux de créatures chevelues. Lorsque le vieil homme se convertit en narrateur, une seconde histoire commence : celle d’un scientifique effectuant une recherche sur une nouvelle bactérie contaminant une rivière. Après avoir exposé sa recherche et les enjeux politiques et économiques de la pollution, le biologiste repart sur le terrain, accompagné d’une artiste-vidéaste et de son assistant. On se dit alors que The Green Vessel a trouvé son genre, son régime : entre parodie de film d’aventure en scope et fiction d’anticipation scientifique extrapolant le devenir de la planète, tout espoir d’émancipation et de conversion écologique enterré par l’alliance des multinationales de l’agroalimentaire et du big data. Sauf que la mutation de l’organisme filmique ne fait que commencer. Le plus exotique, ici, ce ne sont pas les vertes et humides contrées dans lesquelles s’enfoncent les personnages, mais bien le territoire de cinéma que le double récit invente pour égarer le spectateur. Le vieil homme d’un côté, le scientifique et ses acolytes d’un autre : les plans de leur progression dans la nature s’enchaînent selon le principe de variations dans la monotonie qu’impose la forêt et ses nuances de texture et couleur. Le vert gagne, les projets et les raisons se perdent, les discours prolifèrent dans l’absurde comme les algues dans la rivière. Pas de terme au voyage, pas d’autre échappée que l’arbitraire de l’imagination délirant les paysages. (C.N.)
Etienne de France