OUTHERE (FOR LEE LOZANO)

Maïder Fortuné, Annie Mac Donell
Après Communicating Vessels (FID 2020) le duo d’artistes-cinéastes Annie McDonell et Maïder Fortuné récidive. Affaire d’art à nouveau, de son enseignement, de l’articulation douloureuse entre sa pensée, sa pratique et l’enveloppe vitale qui l’accueille et le suscite. Affaire aussi ancienne que le premier romantisme, et à la complexité intacte, le défi se redouble ici à s’attacher à une figure extrêmement singulière, trop peu connue, de l’histoire du 20ème siècle : Lee Lozano. Peintre, puis artiste conceptuelle particulièrement radicale, puis recluse, cette femme a, de nombreuses années durant, rempli de ses réflexions et de ses projets d’oeuvres de semblables petits carnets colorés à spirale. S’y lit, insistance première parmi d’autres motifs, la fameuse hantise : parvenir à faire coïncider la fabrique artistique et l’existence, sans aucun compromis, sans nul reste. Ce sont ces écrits, ainsi que les traces d’un cours photographié et enregistré en juillet 1971, sans oublier son thème astral, qui font la matière très riche de ce film bref et dense. « L’information, c’est du contenu. Le contenu, c’est de la fiction. Le contenu est en désordre. À l’égal de l’univers, il n’est pas terminé et de plus, il devient si vite obsolète une fois multiplié par le temps. La forme peut se répéter ; le contenu ne peut pas se répéter. » C’est avec ces mots clairs et pourtant sibyllins de Lozano pour guide que ce film s’aventure à tresser « ici au-dehors » (outhere) forme et contenu, itération et unicité, zoologie et archéologie, archive et fulgurance du présent.
(Jean-Pierre Rehm)