« Dans le lieu clos d’une chambre, un homme âgé, couché dans un lit, m’attend depuis trente ans. Il détient un secret et brûle de le divulguer. Je pose ma caméra DV au pied du lit. Le cadre de mon image transforme la chambre en scène de théâtre. Il ne s’agit pas d’une interview, plutôt d’un long monologue polyphonique filmé en plan fixe. Entre deux langues, le français et l’occitan, Jean Dougnac me raconte l’histoire singulière de mes parents dont j’ai été séparée à la naissance. Il me parle de ma mère Edmonde, du mystère de son handicap qu’il n’a jamais su résoudre. Il me révèle le secret de ma naissance. Les images sont dans sa voix. Rien n’est linéaire dans son récit : l’exposition d’une tragédie familiale plane, père et mère désavantagés, la misère, l’abandon, le tribunal des assistantes sociales. Mais c’est un fond sur lequel viennent se détacher d’autres histoires cinématographiques et politiques, d’autres vies en mouvement explorées avec les mots. La fin de sa narration est un suspense, un happy end, une fin ouverte à la fable, et un personnage en chemin. »
Ainsi Noëlle Pujol décrit-elle son film, et on ne saurait mieux dire. Ajouter qu’évidemment cela résonne du côté d’Eustache, c’est-à-dire d’une forme d’ethno-poésie, genre trop peu pratiqué. Ajouter encore que ce film, dont des bouts avaient été montrés déjà (sous le titre VAD, FID 2003), s’est fabriqué de 2001 à 2009. Le temps de la mémoire est long, et la patience requise, mais cette réalisatrice nous a déjà montré son talent en cette matière.
Jean-Pierre Rehm
Entretien avec Noëlle Pujol au sujet de HISTOIRE RACONTÉE PAR JEAN DOUGNAC paru dans le quotidien du FIDMarseille du 11 juillet 2010