Plutôt qu’un portrait en pied de Philippe Lacoue-Labarthe, philosophe et écrivain, Christine Baudillon et François Lagarde ont choisi de nous entraîner dans un voyage en sa compagnie. Cela pourrait faire croire à un pèlerinage, puisqu’on y fait des « stations » dans les haut-lieux de l’histoire de la pensée européenne : Sils-Maria, Tübingen, Iena, l’île Saint-Pierre. C’est à Nietzsche, Rousseau, Hölderlin, Hegel et d’autres que l’on rend ainsi visite, dans leur décor, chambre, montagne, fleuve. Ajouter donc au dire le voir, tel était le projet de ces images tournées en 2001, auxquelles Lacoue-Labarthe avait par avance songé à ajouter des photographies, des musiques et d’autres textes que ceux qu’il lit lui-même à l’écran. Mais rien de pieux ici, au contraire. S’il y a un certain recueillement, celui-ci n’exclut jamais l’humour, et c’est à Moullet que l’on songe, par exemple, devant les facéties burlesques du penseur au pied du rocher où Nietzsche a été frappé de la pensée de l’éternel retour. Aucun surplomb pontifiant ici, ni sur les oeuvres, ni sur leur géographie, aucun ronronnement édifiant, tout au contraire : la brutale et simple expérience des textes, des chants et des paysages qui les ont vu naître.
Jean-Pierre Rehm
Entretien avec Christine Baudillon, François Lagarde à propos de PHILIPPE LACOUE-LABARTHE, ALTUS paru dans le quotidien du FIDMarseille du 5 juillet 2013.