Dans la tradition revendiquée de Saint Augustin et de Jean-Jacques Rousseau, nous sont donc promis les aveux de Roee Rosen, artiste israélien. L’autobiographie, de savantes analyses l’ont confirmé, suppose un pacte avec le destinataire, contrat de confiance tacite qui autorise au confessé de se cacher derrière ses révélations, et d’arborer pour finir toutes sortes de masque. C’est la stratégie choisie ici sans biais, puisqu’au sujet mâle attendu à l’image se substituent successivement face caméra trois femmes. En Rrose Sélavy se travestissait déjà Duchamp. Mais il y a plus ici que l’allusion dadaïste explicite. Ces femmes sont des travailleuses immigrées en Israël, venues chacune de pays différents, elles maîtrisent difficilement l’hébreu et le déchiffrent avec peine sur un prompteur devant elles. Explosé du coup le cadre étroit du confessionnal : ce que leurs paroles, leurs chorégraphies minimales aussi, révèlent, dépasse la seule intimité et ses pauvres petits secrets. Trio piégé, trio maladroit, qui s’expose à la place de R.R., qui ventriloque lui-même des délires bien trop vastes pour n’être pas partagés.
Jean-Pierre Rehm