Le FIDMarseille est heureux de vous proposer, dans le cadre des soirées VidéoFID, en présence du réalisateur.
Gaël Lépingle poursuit, sous des formes à chaque fois renouvelées, son exploration d’un espace rare au cinéma, la représentation des « classes moyennes » de province. Après Julien (FID 2010), épopée à la fibre romanesque tournée entre Beauce et Val de Loire et, plus récemment, s’attachant aux Trois mousquetaires mis en musique du côté du Tarn dans Une jolie vallée (FID 2015), nous voici du côté d’Orléans. Le décor ? Une urbanisation en mode mezzo voce dans des paysages sans qualités : bureaux sans saveurs, rues atones aussi tranquilles que désertes, mornes étendues pavillonnaires. Et une galerie de personnages dépeints sans jugement, à l’héroïsme sans ni tambour ni trompette, ancré dans un quotidien ordinaire. Ce sera d’abord Géro, acteur vieillissant voué à son petit théâtre. Il se vit en flibustier tout droit sorti d’un roman de cape et d’épée, pour résister à la gentrification de son quartier, l’obligeant à quitter son théâtre de poche : l’implantation d’un éco-quartier, projet certes aux modestes ambitions, le menace d’expulsion. Résister, mais avec des armes dérisoires, pour cet acteur se rêvant pirate, dont la voix diminuée souligne la dimension donquichottesque de l’entreprise. Ou bien rêver d’un ailleurs, comme y aspire son neveu adolescent désireux autant d’écrire que d’accomplir d’aventureux voyages. Ou bien encore voir le temps qui passe pour cette femme à la quarantaine passée, songeant à l’amour qui s’éloigne, et préoccupée à retrouver la garde de son fils. Les scènes s’enchaînent comme autant de tableaux, accompagnés en arrière plan par la musique de Moussorgski au lyrisme retenu, ponctuée par une discrète narration entendue off. Et pour eux, trouver une zone habitable, à l’image du
récit de boucle d’or et ses bols, ni trop chauds, ni trop froids. (NF)
«Seuls les pirates est un portrait modeste de la France d’aujourd’hui et un film de troupe. Gaël Lépingle, habitué du FID, filme avec une attention rare un certain anonymat provincial, partagé entre petits échecs de la vie et grandes violences administratives. Des personnages qui ont peu à montrer mais que le film couve d’un regard d’autant plus généreux qu’il veille à maintenir un équilibre parfait entre geste politique et nécessités de la fiction.»
Chronicart – septembre 2018
«Ici les petites notions renvoient aux grandes, les personnages qui parviennent si vite à exister composent un tissu social qui refuse de se déchirer face à la maladie, la précarité et les institutions. Dans Seuls les pirates, la politique est filmée dans ses plus infimes frémissements, comme un courage quotidien, une vigilance de chaque instant.»
Le Monde – 17 juillet 2018