CinéFID

Séance CinéFID du 27 septembre 2017

GrandeurEtDecadenceGRANDEUR ET DÉCADENCE
 
D’UN PETIT COMMERCE
 
DE CINÉMA
 
un film de Jean-Luc Godard

mercredi 27 septembre à 20h00

au Cinéma les Variétés / Marseille

Achat des billets au cinéma Les Variétés à partir du 27 septembre
En présence de Caroline Champetier, directrice de la photographie et actrice du film

Avant-première de la sortie nationale
du 4 octobre 2017

GrandeurEtDecadenceGrandeurEtDecadenceGrandeurEtDecadence

GRANDEUR ET DÉCADENCE D’UN PETIT COMMERCE DE CINÉMA
Jean-Luc Godard
avec Jean-Pierre Léaud, Jean-Pierre Mocky, Caroline Champetier
1986 – France – 92′ – Français

On a dit du cinéma qu’il était une usine à rêves… Côté rêves, il y a un metteur en scène : Gaspard Bazin qui prépare son film et fait des essais pour recruter des figurants. Côté usine, il y a Jean Almereyda, le producteur qui a eu son heure de gloire et qui a de plus en  plus de mal à réunir des capitaux pour monter ses affaires. Entre eux, il y a Eurydice, la femme d’Almereyda, qui voudrait être actrice. Tandis qu’Almereyda cherche de l’argent pour boucler le financement du film, et cela au péril de sa vie – car l’argent qu’on lui promet n’a pas très bonne odeur, Gaspard fait des essais avec Eurydice.
Le cinéma c’est autant l’art de chercher un beau visage à mettre sur la pellicule que celui de trouver l’argent nécessaire à l’achat de cette pellicule. « Grandeur et décadence », c’est un peu cette histoire. C’est aussi la peinture de ces figurants, ces techniciens, tous ces obscurs qui travaillent pour les salles obscures, et aussi pour la télévision.

Copie restaurée sous la supervision de Caroline Champetier et de Francois Musy avec la collaboration de Fabrice Aragno

caroline champetierCaroline Champetier est aujourd’hui la directrice de la photographie (en 33 ans, 70 films) qui fait le trait d’union entre les nouvelles vagues du cinéma français, entre Godard, Rivette (La Bande des quatre) et Garrel, Doillon, Jacquot ou Téchiné (cinéastes post-nouvelle vague apparus dans les années soixante-dix), mais aussi toute une nouvelle garde du cinéma français apparue à la fin des années quatre-vingts, début des années quatre-vingt dix : Arnaud Desplechin (La Sentinelle, 1991), Laetitia Masson (En avoir ou pas, 1995) et bien sûr Xavier Beauvois (N’oublie pas que tu vas mourir, 1994 et les quatre autres films suivants et reçoit en 2011 le César de la meilleure photo pour Des Hommes et des dieux).
Avec ces derniers cités, comme avec Bojena Horackova (À l’Est de moi, 2006) ou encore très récemment Hélène Zimmer (98, tourné à l’été 2013), elle n’hésite pas à accompagner la naissance de jeunes cinéastes dont elle assure la photographie des premiers ou deuxièmes longs métrages. Mais aussi la renaissance de cinéastes confirmés, à l’instar de Leos Carax pour Holy motors (2011).
Bande annonce
 
Entretien avec Jean-Luc Godard
C’est vous qui avez souhaité tourner un film pour la Série noire ?
Ça s’est fait comme ça, en parlant avec les gens d’Hamster, la société qui produit cette série. J’ai dit «pourquoi pas». Il fallait partir d’un roman, alors je suis parti d’un auteur que j’aimais bien, que je considérais avec respect, Chase. Et le roman est resté derrière, on est arrivé ailleurs…

C’est vrai que vous aviez promis de réaliser un polar classique ?
Je ne sais pas ce que c’est un polar classique. Les grands romans de série noire sont ceux où quelqu’un qui a des ennuis cherche comment s’en sortir dans un certain climat. De ce point de vue-là, c’est complétement respecté.

Les producteurs ne vous ont rien imposé ?
Si, un budget global qui a été accepté et on a fait le film (en vidéo) pour un tiers moins cher que les autres.

Pourquoi avez-vous choisi Jean-Pierre Mocky ?
Parce que nous avons un peu la même histoire: nous avons vécu et nous vivons la grandeur et décadence du cinéma à l’époque de la télé.

La télévision en bloc ? À la fin du scénario, on a plutôt l’impression d’une télé privée…
Elles sont un peu privées d’imagination, les télés privées. D’après ce que j’en vois, elles sont toutes pareilles. C’est la toute-puissance, comme la Royauté, comme l’Église au Moyen Âge. Le cinéma projette quelque chose, c’est pour ça qu’il est encore puissant dans le cœur des gens et que les films ont beaucoup de succès à la télévision. La télévision difuse, elle transmet.
Elle a beaucoup de mal à créer. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de bonnes choses, intéressantes, de bonnes gens…

Et elle créera de moins en moins ?
Je
le pense. Et c’est pour ça que tous les endroits de création ont un pouvoir très grand à la télévision, que ce soit d’abord les films, ensuite les variétés et l’information, c’est-à-dire ce qui transmet des éléments créateurs. Ce peut être Chirac ou Mitterrand qui crée. Platini qui crée un but ou moi quand j’ai l’honneur d’y passer, ou Zidi… Sinon elle ne fait rien. Des chiffres et des lettres, ça ne crée rien. Cela dit, il y a un accord du citoyen pour avoir ça chez lui.

Va-t-on, pour rester dans le polar, vers une prise d’otage de la création par l’argent ?
Le téléspectateur est otage mais il le veut bien. Du reste, on dit les chaînes. Dans mon film, on voit beaucoup de barreaux, on dit qu’on est dans la grille des programmes.

Cinéma et télévision ne pourront-ils pas un jour se sauver l’un l’autre ? On peut citer l’exemple de Jacques Doillon avec La Vie de famille, produit par TF1, tourné en 35 mm, et distribué en salles avant d’être diffusé à la télévision.
Ils devraient pouvoir, mais c’est un peu l’ours et la mouche. Moi, je souhaiterais que certains de mes films, qui seraient faits autrement, puissent passer à la télévision avant le cinéma. Parce que même 300 000 spectateurs à 2 heures du matin, c’est énorme. Jamais ils ne passeront un film de Bresson à 2 heures du matin, ils diront que l’audience est mauvaise et préféreront un film porno.
Il y a une grande différence entre un directeur de chaîne et moi: si je fais trois films par an, je suis complètement asphyxié, c’est trop, comme une maman qui ferait trois enfants par an. Lui, il fait 365 fois 10 heures de programmes par an. Comment voulez-vous qu’on puisse concevoir tout ça?

En tout cas, à TF1, on a pensé qu’il était important de commander un film au metteur en scène de cinéma que vous êtes…
Ils l’ont fait peut-être pour changer, pour donner un autre regard. Ça devrait être plus régulier, pas forcément avec moi. Je les remercie beaucoup, je suis très content et j’espère qu’ils le diffuseront correctement et normalement. Ça me permet d’avoir accès à un autre public, même si je n’avais pas forcément souhaité celui du samedi soir.

Le samedi soir à 20 heures 30 ça ne vous fait pas plaisir ?
C’est trop ! Donnez un énorme repas à quelqu’un qui sort de prison, il ne peut pas ou il tombe malade. On ne multiplie pas les chaînes et les programmes pour voir plus de choses, mais pour pouvoir changer de chaîne. Les téléspectateurs ne supportent plus de voir une émission en entier, les directeurs de chaînes en sont conscients. C’est comme des enfants qui en ont marre de leurs jouets.

S’il veille à sa qualité, le service public pourra-t-il tirer son épingle du jeu de cette floraison de télés privées ?
Je pense. Il existe depuis un moment, il a une certaine tradition et, dans quelque pays que ce soit, les télés privées qui se créent ne fabriquent pas une heure de programme comme ça. Tout ce qu’elles peuvent faire, c’est acheter ce qui existe déjà et le rediffuser. Une chose dont on pourrait parler avec humour ce sont les génériques: ils prennent plus de temps que celui d’Autant en emporte le vent, avec les plus grandes stars de l’époque. C’est une bonne a faire à 800 000 francs l’heure facturée et ça ne coûte pas cher !

Vous n’avez pas tourné avec une équipe de la SFP…
On a tourné avec un chauffeur de la SFP, un laveur de carreaux et un inge?nieur vidéo très content de faire autre chose. Il a mis du temps… c’est tout. Techniquement, on ne peut pas. C’est comme si pour employer l’imparfait dans une phrase de roman on devait aller aux Buttes-Chaumont, puis à Cognacq-Jay pour le futur antérieur. Alors ou vous ne faites pas votre phrase, ou vous la faites autrement.

Vous avez dit, c’était en 1983, à propos de votre marginalité: «D’ici 20 ans je n’aurai même pas le droit de prétendre à une place de balayeur à la RAI. Même cela ils me le refuseront.» On s’adapte donc au pré-emballé, ou on s’en va…
Je le pense encore. J’ai toujours pris une comparaison, exagérée mais juste: une image, c’est l’occupation. Occupation de l’esprit, de l’espace et du temps culturel, mais en même temps très physique. On ne peut plus voir une image tellement elle est petite et en plus, avec les ordinateurs on écrit dessus, ce qui est illisible. Tels que sont fabriqués les postes de télévision, on ne peut pas les regarder sans se fatiguer les yeux, mais je pense que c’est fait pour ça.
Il y a un inconscient collectif qui veut que le regard se fatigue. Aujourd’hui, même en France, pays beaucoup plus alphabétisé que d’autres, on ne sait plus lire. On le remarque avec les acteurs, ce qui me gêne beaucoup. Comme ils ne savent pas lire, ils cherchent tout de suite, trop vite, à s’emparer du texte. Dans un cas sur dix mille, quand ils ont une forte personnalité, ça peut passer, mais tout le monde n’est pas James Dean.

Vous n’avez pas eu envie de vous distribuer un rôle, celui de Gaspard Bazin par exemple ?
Non, non. Je croise Mocky dans le film, on bavarde cinq minutes. Gaspard, je l’avais appelé Bazin, c’était parti d’une autre idée alors j’ai gardé le nom, pour donner un nom de cinéma, des réfe?rences. Je n’avais pas envie de le faire, ça aurait pu être mal interprété.

Propos recueillis par Marie Rambert, Télérama n°1892, 16 avril 1986

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